Cabo Verde 2023
- Avertissement
- La propagande d'Electra va-t-elle tuer la liberté de la presse caboverdienne? (2023)
- cabo Verde: quand les spéculateurs et les politiciens affament le peuple! (2023)
- Cabo Verde: Dia dos heróis nacionais, les comiques sont de sortie (2023)
- Le secrétaire général de l'ONU en visite sur Santo Antão (2023)
- Cabo Verde: quand les spéculateurs et les politiciens affament le peuple! (2023) - (I)
- Cabo Verde: Quand Les Spéculateurs Et Les Politiciens Affament Le Peuple! (2023) - (II)
- L'Occident méprise toujours l'Afrique: un échec et mat annoncé (2023)
- Le Cabo-Verde, un pays sans bonheur? (2023)
- Cabo Verde: le temps serait-il venu de changer de leader? (2023)
"Le moyen audiovisuel apporte des connaissances, des informations, de la distraction mais pas cette créativité critique et cette troublante inquiétude que donne la littérature."
Mario Vargas Llosa, Le monde de l'éducation (2000)
Avertissement
Cette section comprend tous nos post it rédigés en 2023, plus ou moins dans l'ordre chronologique, en fonction de ceux restés plus longtemps sur la page d'accueil.
Bonne lecture!
Christophe Chazalon
La propagande d'Electra va-t-elle tuer la liberté de la presse caboverdienne? (2023)
Une nouvelle année commence et nous avions projeté de traiter de l'histoire de Ponta do Sol, sur Santo Antaõ, en images, mais las! en ce 3 janvier 2023, les médias caboverdiens nous ont apporté un sujet bien plus consistant et problématique.
DONNÉES
En effet, le président du Conseil d'administration d'Electra, Luís Teixeira, a déclaré en conférence de presse que " le vol, la fraude énergétique et l'efficacité énergétique sont les principaux défis du secteur, avec des pertes totales de 3,5 % du budget de l'État (o furto, a fraude de energia e a eficiência energética são os principais desafios para o sector, com perdas totais de 3,5% do Orçamento do Estado)" (web), soit environ 2,8 milliões de contos (25,5 millions d'euros) par an. Selon lui, "les données pour 2021 indiquent que 112 gigawatts/heure d'énergie produite au Cabo Verde sont perdues chaque année, ce qui représente 25 % de perte nationale (os dados de 2021 apontam que 112 giga Watts/hora da energia produzida em Cabo Verde é dada como perdida todos os anos, o que representa 25% da perda nacional.)".
Notons, un premier point problématique de la transmission de l'information ici par les médias locaux: s'agit-il réellement de "25% da perda nacional" ou serait-ce plutôt de "25% da produção nacional", les journalistes de l'agence de presse publique Inforpress s'étant trompés et les autres journalistes ayant simplement repris l'information sans réfléchir? S'il s'agit bien de la "perda nacional", on ne comprend pas bien ce que cette phrase veut dire. "112 gigawatts/heures perdues chaque année représenteraient 25% de la perte nationale"? Et qu'en est-il des 75% restant de la dite perte? Bref, passons!
Luís Teixeira précise encore deux points:
- "Santiago contribue ici à 36% et Sal à environ 8%, soit un taux équivalent à celui qu'on trouve en Europe ou aux États-Unis (Santiago comparticipa aqui com 36% e no Sal ronda os 8%, número da Europa e Estados Unidos)".
- Les 36% de perte sur Santiago doivent être modéré de 10% dus aux pertes techniques, ce qui signifie que la fraude et le vol représentent 26% sur l'île et que donc, "ces pertes additionnées sont supérieures à la production totale des îles de Santo Antão, São Vicente et São Nicolau (essas perdas somadas são mais do que a produção total das ilhas de Santo Antão, São Vicente e São Nicolau)". (web)
D'un autre côté, a-t-il soutenu, "la question de la lenteur de la justice est aussi "un grand défi", et de 2017 à 2022, 3'840 affaires pénales ont été déposées devant les tribunaux, 1'061 ont été jugées, 437 personnes ont été condamnées et 187 ont été acquittées, soit 2'779 procès sont en cours, ce qui représente 72 % (a questão da morosidade da justiça constitui “um grande desafio” também, sendo que de 2017 a 2022 deram entradas nos tribunais 3840 processos criminais, 1061 foram julgados, 437 pessoas foram condenadas e 187 absolvidos, ou seja, 2779 processos estão pendentes, o que representa 72%)". Nous y reviendrons.
Enfin, Luís Teixeira a ajouté qu'Electra travaille actuellement avec des mesures et des actions sur le terrain, investissant dans des technologies telles que les compteurs intelligents, les compteurs prépayés, améliorant ses magasins et réduisant la bureaucratie existante, mais il a reconnu que l'institution seule ne sera pas en mesure de relever ce défi (Adiantou que neste momento a Electra está a trabalhar com medidas e acções no terreno, a apostar nas tecnologias como contadores inteligentes, contadores pré-pagos, melhoria das suas lojas e diminuição da burocracia existente, mas reconheceu que sozinho a instituição não vai conseguir vencer esse desafio)".
ANALYSE
En décembre dernier, à la suite d'un article sur Electra paru sur Inforpress, on avait déjà résumé l'affaire et proposé une bibliographie du sujet (web). Mais les informations et explications données par Luís Teixeira nous poussent à réagir encore une fois non seulement sur la "politique" d'Electra, mais aussi sur l'attitude des médias caboverdiens.
Premier point: 26% de perte pour cause "de fraude et de vol"?
Tout d'abord, M. Teixeira donne des chiffres spectaculaires certes, mais très très incomplets. 3,5% du budget de l'État ou 25,5 millions d'euros annuels, c'est une somme conséquente. Mais comment comprendre ce qui se passe en n'ayant que 3 chiffres pour 9 îles habitées. Par exemple, la perte de 8% pour Sal semble être tout à fait normale. Comme M. Teixeira le fait remarquer lui-même, elle est comparable au taux de pertes en Europe ou aux USA. Pour les autres îles, on sait seulement que 26% des pertes "pour vol et fraude" sur Santiago correspondent à la somme de la production sur Santo Antão, São Vicente et São Nicolau. Car Luís Teixeira reconnaît un taux de pertes techniques de l'énergie produite à hauteur de 10% pour Santiago. On peut donc en conclure que les vols et fraudes d'électricité au Cabo Verde se situe pour l'essentiel sur l'île de Santiago et plus encore à Praia, la capitale, qui, rappelons-le, comprend la moitié de la population de l'archipel. Autrement dit, les pertes sur les autres îles seraient comparables à celles de Sal (environ 8%) et seraient pour l'essentiel des pertes techniques?
Petit calcul: 36% + 8% = 44%, donc pour les 7 autres îles reste 56% (et 56 divisé par 7 = 8%). Est-ce bien cela? Si oui, les chiffres annoncés par M. Teixeira sont beaucoup moins sensationnels. Mais si on joue encore un peu avec ces chiffres, qu'est-ce qui ressort: 8% x 8 îles = 64% (que l'on a définit comme des pertes techniques). Si on ajoute 10% des pertes techniques de Santiago, on obtient 74%. Donc, les pertes "pour fraude et vol", essentiellement à Santiago-Praia, représentent 26%. Ca a l'air un peu simpliste comme ça, mais en fait en y regardant de plus près, il semblerait au final que seul 6,6 millions d'euros de pertes annuelles supportées par Electra soient dues au problème de "fraude et vol", donc bien moins que les 3,5% du budget de l'État. Effet d'annonce, ploufff! Plus encore, cela veut dire que les 3/4 de l'énergie perdue annuellement l'est à cause de la mauvaise qualité des infrastructures et des matériels et non de "fraude et vol". Oops!
Mais sont-ce là les bons calculs? Faut-il prendre les chiffres avancés de 36% pour Santiago et 8% pour Sal pour une fraction de 100% globale ou une fraction de 100% local, autrement 36% de la production à Santiago et distinctement 8% de celle à Sal? Difficiles de le savoir considérant l'information transmise par Electra et par les médias. On l'a vu, la transmission des propos de Luís Teixeira par les journalistes n'est pas claire. Qui plus est, Electra aurait dû donner un graphique avec le pourcentage estimé de perte d'énergie globale pour chaque île et celui présumé pour cause "de fraude et vol" également pour chaque île. Ainsi il aurait été possible d'analyser et de critiquer les propos d'Electra. Et faute de l'intégralité de ces simples données, c'était le rôle des journalistes de poser la question, de demander ces informations et de les relayer au public. Or, ici, les médias n'ont fait que retransmettre les propos du président du Conseil d'administration d'Electra, sans se poser de question, sans faire leur travail de journaliste.
Deuxième point: Electra et sa dette à RTC et Cabo Verde Broadcast
On l'a écrit en décembre, Electra est sur-endettée. Le journal independant A nação titrait, le 6 décembre 2018 (n° 588, p. A17): "Empresas mais deficitárias do país: Electra diz que honra todos os pagamentos decorrente das atividades operacionais". Plus encore, deux semaines avant, Daniel Almeida faisait le bilan de la dette des entreprises d'État dans son article (n° 586, p. A4) "Passivos das empresas do Estado rondam os 50% do PIB: Electra e IFH ultrapassam TACV" (web). Plus récemment, le 30 avril 2022, Jorge Montezinho d'Expresso das ilhas, publiait un article intitulé "ASA, ELECTRA et TACV responsables de 83% du résultat net négatif de la performance du secteur des entreprises de l'État en 2021 (ASA, ELECTRA e TACV responsáveis por 83% do resultado líquido negativo do desempenho do sector empresarial do Estado em 2021" (web)
Pour sûr, la perte annuelle d'énergie produite par Electra est tellement conséquente que l'entreprise peine à payer ses factures. Les impôts, c'est une chose. Electra est une entreprise d'État à hauteur de 75%. Mais le transfert à la RTC, soit la Radio televisão caboverdiana, c'en est une autre. Aujourd'hui, Inforpress proposait un autre article sur la conférence de presse des dirigeants d'Electra intitulé "Electra reprendra le transfert mensuel de la redevance audiovisuelle à RTC d'un montant de 20 mille contos (Electra vai retomar a transferência mensal da taxa audiovisual para a RTC no valor de 20 mil contos)" (web). Qu'est-ce à dire? En fait, Electra doit verser 20 mille contos (182'000 euros) à la RTC chaque mois, ainsi que 6 mille contos (54'500 euros) à Cabo Verde Broadcast, et ce, à titre de transfert de la redevance audiovisuelle. Or, ces sommes ne sont pas payées depuis des années, ce qui est un considérable manque à gagner pour l'État et les médias publics concernés.
Si on calcule un peu: 182'000 + 54'500 = 236'500 euros / mois, donc 2'838'000 euros annuels ou l'équivalent de 10% des pertes annuelles d'électricité produites par Electra.
Pour le président du Conseil d'administration d'Electra, une fois encore, la raison est toute trouvée et il a même des solutions. Ainsi, il "a expliqué que le scénario de crise, de pandémie et de guerre provoqué par l'invasion de l'Ukraine par la Russie a amené Electra à réduire le transfert mensuel du montant, qui reprendra en janvier de cette année, et le contexte est aujourd'hui celui de "considérable amélioration", avec une baisse des prix du carburant et des "signes d'amélioration" en termes de charges (explicou que o cenário de crise, pandemia e da guerra provocada pela invasão da Ucrânia pela Rússia fez com que a Electra reduzisse a transferência do montante mensalmente, que será retomada em Janeiro deste ano, sendo que o contexto hoje é de “melhoria considerável”, com redução dos preços dos combustíveis e de “sinais de melhoria” a nível de cobranças.)".
Revenons un peu en arrière dans le temps: la pandémie de Covid-19 éclate en novembre 2019 en Chine (web) et l'invasion de l'Ukraine en février 2022 (web). Depuis quand ne sont pas rétribuées RTC et Cabo Verde Broadcast? 2019? Avant? Et puis, qu'annonçait Electra, avec le soutien de l'Agência reguladora multisectorial da economia (ARME), pour le 1er octobre 2021 déjà? Ah oui! une augmentation généralisée des tarifs de l'électricité de près de 35% (web). Oops! Boulette. En aurait-on trop dit? (web). Il semblerait que la dite augmentation ait eu un but particulier: celui de permettre de payer la dette RTC - Cabo Verde Broadcast. Merci au Gouvernement de finalement faire payer au peuple la dette due à la mauvaise gestion d'Electra!
Mais ce n'est pas tout. Là où les propos de Luís Teixeira sont amusants (car au final il vaut mieux en rire), c'est "qu'il n'a pas voulu avancer le montant de la dette, [mais] a souligné que "le plus important" est de garantir le transfert normal à partir de ce mois (que não quis adiantar o valor da dívida, sublinhou que “o mais importante” é garantir a transferência normal a partir deste mês)". On ne saura donc pas au final combien doit effectivement Electra à RTC et Cabo Verde Broadcast!
Plus encore, Inforpress nous apprend que Lourenço Lopes, secrétaire d'État adjoint du Premier ministre "était convaincu qu'à partir de maintenant l'entreprise [Electra] n'aura plus de problèmes de trésorerie, remplissant ainsi les engagements avec ses travailleurs, avec des tiers, mais aussi en faisant les investissements nécessaires à sa pérennité (mostrou-se convencido de que a partir de agora a empresa não terá problemas de tesouraria, cumprindo assim os compromissos com seus trabalhadores, com terceiros, mas também fazendo investimentos necessários para a sustentabilidade da mesma)".
Alors si le Gouvernement le dit, il faut le croire! Vous dites?
Tout ceci est en fait un bel emfumage médiatique de la part de la direction d'Electra et du Gouvernement d'Ulisses Correia e Silva qui souhaite vendre cette année l'entreprise au meilleur prix.
Troisième point: les contrats de partenariats d'Electra avec les médias privés
Nous avons mentionné ci-dessus des solutions trouvées par Luís Teixeira et son équipe. En mars 2022, Electra avait déjà passé un accord avec l'inspection des fraudes (IGAE) et la police nationale (PN) pour poursuivre les fraudeurs et voleurs d'électricité web). Mais contrairement à ce qu'on pourrait penser, la cause véritable de la conférence de presse de Luís Teixeira n'est pas la perte globale de 2,8 millions de contos. Ca, il l'avait déjà annoncé le 8 juin 2022 (web). La véritable raison de la conférence de presse est en fait la signature de contrats entre Electra et des médias privés, à savoir le journal caboverdien proche des milieux économiques et du MpD, Expresso das Ilhas, le journal online O país.cv et le réseau de chaînes brésilien TV Record. En échange d'un montant d'au moins 5'000 contos (45'500 euros, augmentable si les résultats sont là), sur une durée de 6 mois, ceux-ci s'engagent à assumer, je cite: "la responsabilité d'informer correctement les Caboverdiens sur la question à l'étude, les possibilités existantes et les difficultés, mais feront également circuler l'information de parti à parti afin qu'elle puisse être débattue en l'espace public (a responsabilidade de informar os cabo-verdianos de uma forma correta sobre a questão em análise, as possibilidades existentes e as dificuldades, mas também fazer circular a informação de parte a parte para que seja debatido no espaço público)". Plus que du charabia, tout ceci n'est autre que de la... PROPAGANDE.
Pour rappel, le dictionnaire Larousse définit la "propagande" comme suit:
"Action systématique exercée sur l'opinion pour lui faire accepter certaines idées ou doctrines, notamment dans le domaine politique ou social" (web)
Lorsque des médias privés acceptent de l'argent pour diffuser de l'information fournie directement et spécifiquement par une entreprise, on se pose des questions sur l'éthique et la déontologie journalistique. Si cette information est déclaré clairement comme financée, les fameux "conteúdo patrocinado" que l'on retrouve dans Expresso das ilhas (web), l'acte est acceptable. Mais comment TV Record va promouvoir cette information et surtout signaler qu'elle a été payée par Electra pour être diffusée (un peu comme de la pub en somme)?
En gros, ces nouveaux contrats signés entre Electra et les médias privés pose un sérieux problème d'étique, en particulier car ils mettent à mal la sacro-sainte "LIBERTÉ de la PRESSE"! Des journalistes d'Expresso das ilhas, Opais.cv et TV Record vont-ils analyser ces informations, les critiquer avant diffusion? Peu probable. Alors qui va en faire l'analyse et la critique? L'administration publique? Peu probable également considérant qu'Electra est une entreprise d'État. Les autres journalistes? Les spécialistes et autres experts? La société civile? Peu probable. Tout laisse à penser que l'information distillée par Electra à travers ces médias privés le sera de manière simple: sans aucun contrôle.
Or, on voit bien comment Electra communique. Prenons l'exemple des procès intentés en justice contre les fraudeurs et les voleurs d'électricité mentionnés ci-dessus: "de 2017 à 2022, 3'840 affaires pénales ont été déposées devant les tribunaux, 1'061 ont été jugées, 437 personnes ont été condamnées et 187 ont été acquittées, soit 2'779 procès sont en cours, ce qui représente 72 %". 1'061 affaires ont été jugées, soit. Mais 437 personnes condamnées + 187 acquittées, cela fait au total 624 personnes. Or, si on a une personne par affaire, il y a un manque de 1'061 affaires - 624 personnes! On le voit bien, encore une fois les chiffres avancés par Electra ne sont pas clairs, précis, complets. Electra noie le poisson et empêche une analyse critique de ses dires, celle-là même qui devrait ou aurait dû être faite par les journalistes d'Inforpress et d'Expressos das ilhas dont nous citons les articles dans ce post it. Rien! Le journalisme au Cabo Verde, et plus encore le journalisme d'investigation, celui qui fait mal car il critique et dénonce les dysfonctionnements du Gouvernement ou des entreprises est malade, pour ne pas dire moribond. Seul le journal indépendant A nação en fait encore, avec méthode et brio. Mais les difficultés financières actuelles de ce journal pourraient bien avoir raison de lui.
Bien sûr, des voix vont s'élever, dire que tout ceci n'est qu'élucubration, fantaisie, que tout va bien au Cabo Verde, que la presse fonctionne bien, qu'il n'y a rien à craindre d'Electra et de ses nouveaux contrats avec les médias privés.
Alors, nous, on n'est pas méchant, mais on peut simplement signaler un seul exemple pour éclaircir les idées des non voyants, dit propageurs de la propagande. Que titrait Expresso das ilhas ce même 3 janvier 2022 (article cité plus haut)? Il titrait, je cite: "Furto de electricidade é equivalente à 3,5% do OE2023" (voir image ci-dessous), ce qui, en français se traduit par: "Le vol d'électricité est équivalent à 3,5% du Budget de l'État 2023". Maxi super oops! Et vlan dans les dents de l'éthique journalistique, car ce gros titre est... un pur mensonge (les plus indulgents invoqueront une "simple erreur" à n'en pas douter). Or, pour ce même sujet, l'agence de presse publique caboverdienne, Inforpress, titre elle: "Electra aponta perdas de electricidade na ordem de 3,5% do orçamento do Estado", ce qui se traduit par "Electra pointe des pertes d'électricité d'environ 3,5% du budget de l'Etat". Et dans les faits, Luís Teixeira a dit que les pertes annuelles globales d'électricité équivalent à 3,5% du budget de l'État, soit 25,5 millions d'euros. La seule mention de chiffre pour les fraudes et les vols touchait l'île de Sal, soit au final une estimation de 26% des pertes (globales ou locales, on ne sait pas trop). Ce n'est pas tout à fait la même chose M. André Amaral, journaliste d'Expresso das ilhas qui a mis l'article en ligne, non?
On le voit bien, la communication par les médias privés contre le vol et les fraudes d'électricité au Cabo Verde est un point délicat qui risque de mettre en péril la liberté de la presse et le 4e pouvoir si nécessaire à la bonne santé de la démocratie, celui qui "regroupe tous les moyens de communication qui peuvent servir de contre-pouvoir face aux trois pouvoirs incarnant l'État (pouvoir exécutif, législatif et judiciaire), en recourant au principe de protection des sources d'information des journalistes" (web). Le fait qu'Electra soit une entreprise d'État et que la communication de ses dirigeants soit pleinement soutenue par le Gouvernement n'augure rien de bon. En payant les médias privés, ceux-là ne font au final que promouvoir une propagande politique aux visées obscures, sans obstruction ni réflexion. Ils ne jouent, volontairement, plus le rôle qui est le leur, à savoir rendre l'information vérifiée et analysée accessible au peuple. Un dangereux précédent!
À bon entendeur! Tous nos meilleurs voeux pour cette nouvelle année!
Et promis, le prochain post it sera pour Ponta do Sol!
Christophe Chazalon / Genève, le 04/01/2023
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- anonyme, "Furto de electricidade é equivalente à 3,5% do OE2022", Expresso das ilhas, 03/01/2023, en ligne (web)
- AV / AA, "Electra aponta perdas de electricidade na ordem de 3,5% do orçamento do Estado", Inforpress, 03/01/2023, en ligne (web)
- AV / AA, "Electra vai retomar a transferência mensal da taxa audiovisual para a RTC no valor de 20 mil contos", Inforpress, 03/01/2023, en ligne (web)
Titre erroné (mensongé?) d'Expresso das ilhas (03/01/2023)
cabo Verde: quand les spéculateurs et les politiciens affament le peuple! (2023)
Depuis quelques jours, les partis politiques se livrent une bataille rangée à travers les médias au sujet de l'augmentation du prix de la farine et donc, du pain... dont voici un petit condensé:
- anonyme, "Praia: internautas aplaudem gesto de minimercado que mantém a carcaça a 10$00 devido ao cenário económico do país", A nação: jornal independente, 21/01/2023, en ligne (web)
- JR / JMV, "Fogo: Governo tem margem suficiente para subsidiar farinha e evitar corte no subsídio ao milho - parlamentares do PAICV", Inforpress, 20/01/2023, en ligne (web)
- anonyme, "Ucrânia: 17,8 M de toneladas de cereais e outros alimentos exportados para 43 países", Inforpress, 18/01/2023, en ligne (web)
- Gisela Coelho, "Pão na Praia: IGAE constata aumento de preços e peso da carcaça abaixo do regulamentado", A nação: jornal independente, 17/01/2023, en ligne (web)
- Sheila Ribeiro, "Padarias na Praia estão a vender o pão carcaça abaixo do peso exigido por lei", Expresso das ilhas, 17/01/2023, en ligne (web)
- Ailson Martins, "Governo reúne-se quarta-feira para analisar preço do trigo", Expresso das ilhas, 17/01/2023, en ligne (web)
- DG / AA, "PAICV solicita ao Governo reposição imediata do subsídio da farinha de trigo para diminuir preço do pão", Inforpress, 16/01/2023, en ligne (web)
- ET / ZS, "Governo com parecer negativo à continuidade das medidas de compensação para driblar o preço do trigo", Inforpress, 16/01/2023, en ligne (web)
- MC / CP, "Bravenses preveem mais complicações no dia-a-dia com o aumento do preço da farinha", Inforpress, 16/01/2023, en ligne (web)
- Sheila Ribeiro, "PAICV quer reposição imediata do subsídio da farinha de trigo", Expresso das ilhas, 16/01/2023, en ligne (web)
- Edisângela Tavares, "Preço do trigo é deveras preocupante, diz Ministro da agricultura", Expresso das ilhas, 16/01/2023, en ligne web)
- MJB / CP, "Governo garante que está a analisar questão da manutenção da subsidiação da importação do trigo", Inforpress, 12/01/2023, en ligne web)
- MJB / ZS, "UCID alerta Governo para problema social decorrente do aumento em 60% de preço da farinha de trigo", Inforpress, 12/01/2023, en ligne (web)
- Sheila Ribeiro, "UCID pede ao Governo para conter preço da farinha de trigo e do leite", Expresso das ilhas, 12/01/2023, en ligne (web)
- ...
- anonyme, "Praia: falta farinha para pão e derivados", A nação: jornal independente, 22/08/2022, en ligne (web)
- Alexandre Semedo, "Combate à fome: EUA compram trigo ucraniano para doar a países pobres", A nação: jornal independente, 17/08/2022, en ligne (web)
- Alexandre Semedo, "Itália alerta: jà começou a Guerra mundial do pão", A nação: jornal independente, 05/07/2022, en ligne (web)
Bref résumé
L'affaire a éclaté le 12 janvier 2023, à l'Assemblée nationale, à Praia, alors que le député António Monteiro du parti d'opposition União caboverdiana independente e democratica (UCID) a invectivé le Gouvernement, issu du Movimento para a Democracia (MpD). En effet, l'UCID veut alerter le Gouvernement "sur le problème social qui pourrait résulter de l'augmentation de 60% du prix de la farine de blé et de l'augmentation conséquente du prix du pain", dans le pays. Ainsi un sac de 50 kg est passé de 2'890 escudos (26 euros) à 4'600 escudos (42 euros), soit 63% d'augmentation. Le prix du carcaça (le pain de référence dans le pays) aurait déjà atteint les 30 escudos dans certaines boulangeries, alors qu'il était de 15 escudos avant la suppression de la subvention. L'UCID craint donc que les habitants n'achètent plus de pain celui-ci étant devenu trop cher et donc, conséquence logique, que les boulangeries ferment leurs portes et licencient en masse, ce qui agraverait la situation déjà préoccupante de l'emploi. Aussi l'UCID demande au Gouvernement de "contenir le prix de la farine de blé et de certains autres produits, tel le lait, dont le prix a augmenté de près de 100%". Il estime par ailleurs que la croissance de 10 à 15% du PIB, annoncée par l'INE en 2022, doit permettre à l'exécutif d'agir.
Le Partido africano da independência de Cabo Verde (PAICV), premier parti d'opposition, a immédiatement rebondit sur le sujet. Le député João do Carmo a expliqué que "l'augmentation du prix de la farine était essentiellement due au retrait de la subvention du Gouvernement à la seule entreprise qui importe du blé dans l'archipel", et que cette subvention avait été accordée dans une visée électoraliste, juste avant les élections. "Cette décision gouvernementale remet en cause la situation sociale du pays, au moment où, dans tous les pays, tous les gouvernements des pays sérieux prennent des décisions pour protéger les familles" a-t-il alors ajouté.
En réponse à ces critiques, le député MpD Celso Ribeiro a expliqué que la suppression de la subvention est en fait due au montant colossal qu'elle représente pour les finances de l'État, soit 49 millions d'escudos (445'500 euros) par trimestre. "La politique de subventions, particulièrement dans ce contexte, n'est pas supportable, mais nous sommes conscients que le Gouvernement agira afin de continuer à protéger les familles et à fournir des revenus aux plus démunis", a-t-il garanti.
Le même jour, la Ministre des affaires parlementaires, Janine Lélis, a expliqué "qu'une évaluation est actuellement en cours sur la question du maintien de la subvention du blé. Nous avons choisi de la maintenir pour le maïs car les données étaient plus objectives et plus probantes. L'analyse est en cours et, si nécessaire, des mesures seront prises." (web)
Le 16 janvier, le Ministre de l'agriculture et de l'environnement, Gilberto Silva, revenait sur le sujet. "À ce jour, le Gouvernement a dépensé environ 151 millions d'escudos (1,37 millions d'euros) pour cette politique de compensation financière. Nous continuerons à subventionner le maïs pendant encore trois mois, compte tenu également de la préparation d'un nouveau cycle de production en matière d'élevage, mais en ce qui concerne le blé, nous avons un avis du Secrétariat national à la sécurité alimentaire et nutritionnelle (SNSAN) qui ne recommande pas la continuité, compte tenu de l'extension de la situation internationale et des coûts », a-t-il déclaré. L'idée du Gouvernement est donc de compenser le retrait de la subvention, jugée trop onéreuse, par des mesures plus efficaces, tel qu'un soutien aux cantines scolaires, une aide alimentaire aux familles et aussi des emplois publics qui permettent aux familles de travailler et d'obtenir des revenus suffisants pour accéder à la nourriture. Enfin, il a expliqué, dans une pensée toute néo-libérale, que les mesures de compensation, selon les lois cabo-verdiennes, ne peuvent pas durer dans le temps, compte tenu du fait qu'elles constituent également une "perturbation du fonctionnement du marché". (web)
Cette vision est bien sûr dénoncée par le PAICV, parti issu du communisme. Adelsa Almeida souligne de manière très claire "que le pain avait déjà connu une augmentation de 50 % en avril 2021 et de 19 % en février 2022, des faits qui, selon elle, ont été ignorés par le Gouvernement, qui affirmait à l'époque que le marché était libre et auto-régulé". Plus encore, cette hausse considérable du prix de la farine touche tout particulièrement "les femmes chefs de famille qui utilisent le blé comme principale matière première" pour confectionner des produits à vendre tout autant que pour nourrir leur famille. Elle rappelle par ailleurs l'augmentation récente des droits d'importation appliqués à plus de 2'000 produits qui impactent directement le pouvoir d'achat des familles. Aussi, en guise de solution, le PAICV estime que la suppression de la subvention doit simplement être compensée par une réduction ou une suppression de la TVA.
Cette vision est bien sûr dénoncée par le PAICV, parti issu du communisme. Adelsa Almeida souligne de manière très claire "que le pain avait déjà connu une augmentation de 50 % en avril 2021 et de 19 % en février 2022, des faits qui, selon elle, ont été ignorés par le Gouvernement, qui affirmait à l'époque que le marché était libre et auto-régulé". Plus encore, cette hausse considérable du prix de la farine touche tout particulièrement "les femmes chefs de famille qui utilisent le blé comme principale matière première" pour confectionner des produits à vendre tout autant que pour nourrir leur famille. Elle rappelle par ailleurs l'augmentation récente des droits d'importation appliqués à plus de 2'000 produits qui impactent directement le pouvoir d'achat des familles. Aussi, en guise de solution, le PAICV estime que la suppression de la subvention doit simplement être compensée par une réduction ou une suppression de la TVA.
Conséquences concrètes sur la vente du pain
Deux résultats assez logiques ont été relevés ces derniers jours:
- d'une part, certains boulangers ont décidé de diminué le poids du pain vendu, en particulier le carcaça. C'est du moins ce qu'ont constaté les services de l'Inspeção-Geral das atividades económicas (IGAE - e service de la répression des fraudes cabo-verdiennes) dans 4 padarias à Praia inspectées le même jour. Or la loi est très claire. L'ordonnance 64/2010 du 30 décembre 2010, article 3, point 1, fixe le poids du pain à 50 gr. pour les petits formats et à 100 gr. pour les grands.
- d'autre part, comme on l'a vu, l'augmentation du prix du pain est exponentielle, passant de 15 escudos en 2021 à 20, puis à 23, 25, voire 30 escudos aujourd'hui pour le carcaça. (web)
La faute revient-elle au Gouvernement? Petit retour sur la production mondiale de blé en 2022.
Eh bien, la question mérite d'être posée. En fait, depuis la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, sans oublier la "découverte" du réchauffement climatique par les maîtres ès Finances, pour les politiciens du monde entier, tous les maux d'aujourd'hui dérivent de ces 3 fléaux. Alors nous, comme à notre habitude, on se dit que non, que c'est trop facile et qu'il y a autre chose. Et on part à la recherche de cet "autre chose" pour essayer de comprendre la situation. Petit retour en arrière pour y voir plus clair...
Eh bien, la question mérite d'être posée. En fait, depuis la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, sans oublier la "découverte" du réchauffement climatique par les maîtres ès Finances, pour les politiciens du monde entier, tous les maux d'aujourd'hui dérivent de ces 3 fléaux. Alors nous, comme à notre habitude, on se dit que non, que c'est trop facile et qu'il y a autre chose. Et on part à la recherche de cet "autre chose" pour essayer de comprendre la situation. Petit retour en arrière pour y voir plus clair...
La crise actuelle touche plusieurs denrées alimentaires, on l'a vu, dont le lait, le maïs, le riz, mêmes les oeufs. Concentrons-nous sur le blé, céréale ô combien essentielle, pour ne pas dire vitale, dans l'alimentation occidentale, dont fait parti le Cabo Verde, ancienne colonie portugaise.
Tout d'abord qui produit du blé sur Terre. L'Atlas sociologique mondial en ligne (web) nous donne le tableau (abrégé) suivant:
Avant d'analyser ce tableau, revenons rapidement sur la Guerre en Ukraine. Elle a été déclenchée en février 2022, par le président russe Vladimir Poutine. Or, d'un point de vue géographique, l'Ukraine se trouve à la frontière de l'Europe, donc de l'Empire, ce dernier étant protégé par l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN). Aussi, tout ce qui suit est en fait un gigantesque jeu de géoéconomie en cours, celle-ci remplaçant la géopolitique depuis que la Finance dirige le monde (web). Les politiciens et les économistes ont immédiatement alerté sur le danger que représentait cette guerre en matière d'alimentation mondiale. "L'Ukraine est le grenier à blé du monde" nous a-t-on-dit, tel Luc Bronner, qui publia le 6 mai 2022 son article dans le journal français Le Monde, intitulé: "Guerre en Ukraine: avis de tempête sur le grenier à blé du monde" (web). Sans le blé ukrainien, la famine va sévir de par le monde. Et les diplomates et les politiques de trouver des consensus avec la Russie pour permettre au blé ukrainien de sortir du pays pour nourrir les pays pauvres. Le 17 août 2022, Alexandre Semedo ne publiait-il pas un article dans le journal A nação, intitulé "Combate à fome: EUA compram trigo ucraniano para doar a países pobres" (web)? En fait, Bronner (et consors) aurait dû parler de "céréales" au lieu du "blé" comme le suggère son accroche "Le blocus de la mer Noire menace la sécurité alimentaire de nombreux pays qui se fournissent auprès de Kiev en blé, maïs, colza, tournesol, orge…).
Quoi qu'il en soit, le lendemain de la publication de ce post it, sur notre page d'accueil, Inforpress publiait un autre article intitulé "Ucrânia: 17,8 milhões de toneladas de cereais e outros alimentos exportados para 43 países" (web). Cette article rédigé par la rédaction du journal, plus proche de la dépêche que d'un article de fond, est intéressant à plus d'un titre. Il précise que grâce à l'accord du 22 juillet 2022, passé entre l'Ukraine et la Russie, avec l'aide de l'ONU et de la Turquie, l'Ukraine a pu exporter ses céréales et autres denrées alimentaires dans 43 pays différents. Cela confirmerait donc l'importance du "blé" ukrainien pour nourrir la planète et particulièrement les pays pauvres, sujet à une famine certaine. Oui, oui, oui... tout semble parfait, sauf que, ça ne l'est pas, comme le confirme l'extrait suivant:
"Jusqu'à présent, selon le Centre conjoint de coordination de cet accord, la Chine s'est positionnée comme le principal destinataire des exportations, l'Espagne comme deuxième et la Turquie comme troisième. Près de 44 % du blé exporté a été expédié vers des pays à revenu faible ou intermédiaire (64 % vers des économies en développement) et le Programme alimentaire mondial (PAM) a acheté 8 % du total de blé exporté dans le cadre de l'initiative, à l'appui de ses opérations humanitaires contre la faim dans le monde. ("Até ao momento, segundo o Centro de Coordenação Conjunta deste acordo, a China posicionou-se como o principal destinatário das exportações, a Espanha como segundo e a Turquia como o terceiro. Quase 44% do trigo exportado foi enviado para países de baixos e médios rendimentos (64% para economias em desenvolvimento) e o Programa Mundial de Alimentos comprou 8% do total de trigo exportado ao abrigo da iniciativa, em apoio às suas operações humanitárias contra a fome em todo o mundo)."
Or, la Chine est le premier producteur mondial de blé (entre autre), avec plus de 134 millions de tonnes en 2020. La Turquie est la 10e et l'Espagne la 18e. Comment accepter que seulement 44% de l'exportation urkrainienne, soit moins de la moitié, ait été exportés vers des pays pauvres et que le PAM n'en a acquis au final que 8%. En gros... bonjour la spéculation sous couvert de sauver le monde de la faim! Certes, l'article ne parle pas que du blé, mais quand même.
Si on revient maintenant au tableau ci-dessus, dans les faits, en 2020, l'Ukraine est seulement le 8e producteur mondial de blé, avec une production de près de 25 millions de tonnes, derrière la France, 6e avec 30 millions de tonnes. Les trois premiers producteurs mondiaux, à savoir la Chine, la Russie et l'Inde en ont produit en tout, la même année, près de 328 millions. Donc non, l'Ukraine n'est pas le grenier à blé du monde et de très très loin. Et la Chine et l'Inde ne sont pas encore en guerre, sauf erreur...
On rétorquera que la production dans certains pays producteurs a connu des difficultés et que les rendements étaient réduits (d'après les experts dont on va voir l'intérêt de l'expertise ci-dessous). Ok, pourquoi pas! Mais c'étaient des "prévisions". Dans les faits, toujours eux, si on se base sur les statistiques officielles institutionnelles, il n'y avait aucune raison d'alerter le monde comme quoi, sans le blé ukrainien bloqué par les méchants dirigeants russes (ils le sont effectivement mais pas pour cette raison), les pays pauvres allaient connaître la famine. Pour être très clair, la pénurie de blé ou plus exactement l'augmentation du prix du blé sur les marchés mondiaux est UNIQUEMENT LE FAIT DES SPÉCULATEURS, autrement dit des courtiers, des banques, des riches investisseurs, des gouvernements de tous bords. Ceux-ci font main basse sur le blé, le stock et attendent que les prix montent. Les médias, pour l'essentiel, peu scrupuleux de nos jours ou trop pauvres, ne se posent pas de questions, mais rabâchent simplement ce que disent les portes-paroles des gouvernements ou des partis politiques. Ajoutez un ou deux "spécialistes de la question" sur tous les plateaux télé des principales chaînes nationales ou d'information, et hop, le tour est joué.
Quant à l'absolu besoin de l'Ukraine (et l'Empire qui la soutient) de vendre sa production céréalière malgré la guerre, il n'a qu'un seul but pour l'Empire: financer la dite guerre en donnant des devises sonnantes et trébuchantes au gouvernement ukrainien pour acquérir des armes et alii. L'inflation exponentielle sur les marchés du prix du blé et des autres céréales, similaire à la crise de 2011 nous dit-on, a aussi en partie le but de rendre la vente plus rentable. Sous couvert de prévisions "dite catastrophique" des institutions internationales telle la FAO, les prix ont été gonflés artificiellement par ricochet. On va le voir ci-après. Donc l'Ukraine a pu empocher encore plus d'argent pour sa défense armée, tout en évitant la perte de sa production. Doublement gagnante!
Heureusement, tous les médias ne sont pas totalement aveugles. La Radio Télévision Suisse romande (RTS), elle, se penchait intelligemment sur la question le 12 janvier 2022, soit le même jour où le Parlement cabo-verdien entrait en ébullition à cause de l'augmentation de 60% du prix du blé. Que nous apprend-elle? Ceci (web):
"L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) annonçait que 2022 avait été une année tristement record: le prix du blé et du maïs ont franchi des sommets, faisant bondir l'indice des produits de base de la FAO.
Du jamais vu depuis 2011, une année tristement marquée par une crise alimentaire et des émeutes liées aux famines dans plusieurs pays d'Afrique.
Mais désormais, la tendance s'inverse: les prix du blé sont en chute. Le marché digère les belles récoltes en Australie ou en Russie comme s'il n’y avait pas de guerre en Ukraine. Un baromètre: le contrat à terme de référence pour le blé tendre d'hiver, qui est tombé cette semaine à son plus bas niveau depuis plus de deux ans à la Bourse de Chicago."
Ce n'est pas une information nouvelle cependant. Le 7 novembre 2022, Expresso das ilhas titrait déjà "Preços da comida estabilizaram a nível mundial em Outubro, revela FAO" (web).
Donc, pour résumé: la guerre en Ukraine a débuté en février 2022, augmentant d'autant l'instabilité des marchés à la sortie de la pandémie de Covid-19 qui avait paralysée littéralement une grande partie de l'économie mondiale (une autre partie a cependant été extrêmement florissante si on en croit l'augmentation inouïe de la fortune des 1% les plus riches de la population mondiale - web). Les spéculateurs en ont profité, suivant des prévisions voulues pessimistes. Et les prix ont explosé. Pour des raisons purement politiques, les État occidentaux (le fameux Empire), sous la houlette des USA, ont accusé la Russie d'être la cause d'une nouvelle famine mondiale. D'après eux, le blé ukrainien était primordial pour la survie de millions d'individus dans le monde. La propagande, de part et d'autre, battait alors son plein. Et puis l'été est arrivé. Surprise (pas tant que ça en fait), la production mondiale n'a jamais été aussi bonne qu'en 2022 et les prix ont chuté lourdement sur les marchés internationaux à l'automne 2022, et donc dans les pays pauvres, dont le Cabo Verde. Est-ce bien cela?
Oops! Alors que les prix du blé s'effondre à la Bourse de Chicago (lieu où se négocie l'essentiel du blé et des autres céréales mondiales), dans le même temps, il augmente de... 60% au Cabo Verde! Incroyable! Vive le néo-libéralisme et la loi du marché!
Mais en fait, pourquoi cette augmentation vertigineuse du prix du blé au Cabo Verde? Parce que, nous dit-on officiellement, le Gouvernement a supprimé une subvention au PRINCIPAL IMPORTATEUR DE BLÉ DU CABO-VERDE, subvention qui a coûté pas moins d'un million et demi d'euros. Le PRINCIPAL IMPORTATEUR DE BLÉ AU CABO VERDE (qu'on ne nommera pas parce que tout le monde le connaît dans l'archipel) n'a pas eu d'autre choix que d'augmenter ses prix de 60%. Grosso modo: de qui se moque-t-on?
On comprend que l'importateur n'a pas acheté son blé en décembre 2022 pour le vendre en janvier 2023, mais qu'il l'a acquis auprès d'un autre fournisseur, qui lui même l'a acheté à un courtier, qui lui même la racheté à un autre courtier, qui lui même le tenait d'un gouvernement qui le stockait etc. etc. etc.
Plus encore, à peine 5 jours après le début de la guerre en Ukraine, panapress titrait déjà: "Le Cap-Vert craint une aggravation des prix des céréales en raison du conflit russo-ukrainien (Cabo Verde receia agravamento de preços de cereias pelo conflito Rússia-Ucrânia)" (web). Une expertise ultra-rapide de la situation géoeconomique dira-t-on. Et le 25 mars 2022, le Gouvernement cabo-verdien décidait donc de "doubler sa capacité de stockage de céréales (duplicar capacidade de armazenamento de cereais)" (web).
Reprenons l'article de la RTS pour faire taire les imbéciles et expliquer clairement et simplement les choses:
La Russie exporte donc facilement son blé, mais elle n’est pas seule. L'Inde revient en force dans le marché mondial et l'Australie prévoit une saison record. Bref, il y a trop de blé dans le monde en ce moment, jugent les analystes.
D'autant que la concurrence se joue aussi en Europe, où le blé russe est très bon marché face au blé américain, pénalisé par les effets de change. À la manœuvre, on retrouve les quatre grandes maisons de négoces de céréales, ADM, Bunge, Cargill et Louis Dreyfus, aussi connues sous le nom de "carré ABCD".
Normalement, les niveaux actuels devraient perdurer même si la guerre se poursuit en Ukraine. Car l'Ukraine est un acteur secondaire sur le marché du blé, contrairement à celui du maïs, estime Philippe Chalmin, économiste à [l'Université] Paris Dauphine."
D'autant que la concurrence se joue aussi en Europe, où le blé russe est très bon marché face au blé américain, pénalisé par les effets de change. À la manœuvre, on retrouve les quatre grandes maisons de négoces de céréales, ADM, Bunge, Cargill et Louis Dreyfus, aussi connues sous le nom de "carré ABCD".
Normalement, les niveaux actuels devraient perdurer même si la guerre se poursuit en Ukraine. Car l'Ukraine est un acteur secondaire sur le marché du blé, contrairement à celui du maïs, estime Philippe Chalmin, économiste à [l'Université] Paris Dauphine."
Plus encore (ou pire), la FAO publiait de son côté un article le 02 décembre 2022 (donc le mois dernier), intitulé "Les prévisions concernant la production et les échanges mondiaux de céréales tombent à leur plus bas niveau depuis trois ans" (web). Voilà qui est inquiétant, n'est-il pas? Le début de l'article commence ainsi "Les prévisions de la FAO concernant la production mondiale de céréales en 2022 ont été réduites de 7,2 millions de tonnes ce mois-ci et s’établissent à présent à 2'756 millions de tonnes, soit une baisse de 2,0 pour cent (57 millions de tonnes) en glissement annuel. À titre de comparaison, la production mondiale de céréales a progressé en moyenne de 56 millions de tonnes par an ces trois dernières années. La révision à la baisse apportée ce mois-ci concerne principalement la production de maïs et, quoique dans une moindre mesure, celle de blé". Catastrophe, la production de céréales a baissé de... 2%, mais le prix de la farine a augmenté de 60% au Cabo Verde dans le même temps, oops!
Pour mieux comprendre cet extrait, il faut savoir que la l'Ukraine était le 5e producteur de maïs en 2020 (30 millions de tonnes), très loin derrière les USA (360 millions), la Chine (260 millions) et le Brésil (104 millions). (web)
Mais le rapport de la FAO est encore plus troublant, comme le montre le graphique suivant. Que nous apprend-il?
- La production mondiale de céréale a augmentée de près de 500 millions de tonnes entre 2012/2013 et les années 2016/201/ - 2022/2023 pour se fixer plus ou moins à 2'750 millions de tonnes annuelles.
- Depuis 2019 environ, l'utilisation suit à peu près la courbe de la production, avec de faibles variations (+ ou -)
- Depuis 2017 environ, les stocks de céréales ont augmentés de plus de 140% par rapport à 2012/2013 et qu'ils sont restés stables. La FAO estiment, par ailleurs, que "les prévisions concernant les stocks mondiaux de céréales à la clôture des campagnes de 2023 ont été réduites de près de 1,1 million de tonnes depuis le mois dernier et abaissées à 839 millions de tonnes, ce qui représente un recul de 2,2 pour cent (18,5 millions de tonnes) par rapport à la campagne précédente et le niveau le plus bas enregistré depuis trois ans. À ce niveau, le rapport stocks/utilisation de céréales au niveau mondial serait en recul, puisqu’il passerait de 30,9 pour cent en 2021-2022 à 29,3 pour cent en 2022-2023, son plus bas niveau depuis 2013-2014, mais une situation en matière d’offre encore relativement confortable."
Il semblerait que le début de l'article alarmiste ne colle plus avec le marché du blé, car la production ne fait qu'augmenter depuis 2018-2019, même en 2022-2023 (prévisions revues ou non), idem pour sa disponibilité etc. C'est à n'y plus rien comprendre.
Si la production et la disponibilité du blé augmente confortablement depuis 2018/2019, alors pourquoi les prix grimpent-ils sur les marchés et tout particulièrement au Cabo Verde, à niveau de 60%?
Une seule raison peut expliquer cette situation: la SPÉCULATION, vous savez la fameuse "loi du marché" tant adulée par le Gouvernement MpD!
Conclusion
Au final, la hausse du prix du blé est une simple spéculation des 4 grandes maisons de négoces de céréales, des nombres de courtiers et traders intermédiaires, des banques, de certains gouvernements (ou certains de leurs membres), d'importateurs et de grossistes peu scrupuleux qui ont trouvé là le moyen de s'enrichir facilement et... en toute l'égalité.
Alors que dire du Gouvernement de M. Ulisses Correia e Silva? Pas grand chose. Néo-libéral dans les actes, peu attaché au bien être de la population (malgré toutes les affirmations que ses ministres et autres membres du MpD peuvent bien proclamer à corps et à cri dans les médias, ce n'est pas leur priorité), préférant la macro-économie à la micro-économie, l'aide internationale (vitale pour le développement du pays) à la qualité de vie de la population (celle-ci tout aussi vitale pour le développement du pays), aucune décision n'est prise pour freiner la spéculation et les actes du PRINCIPAL IMPORTATEUR DE CÉRÉALES DU CABO VERDE. Ulisses et consorts préfèrent utiliser l'argent des aides internationales pour aider les plus démunis, les plus pauvres, les miséreux, oubliant les autres guère plus chanceux (voir ci-après), plutôt que d'agir en profondeur. On dira là que c'est colmater les brèches, mais pas curer le mal.
Pour empêcher les spéculateurs de sévir, il faut des lois, au niveau international (tout d'abord), mais aussi au niveau continental et local. Or, les lois sont le fait des politiciens, ou plus précisément du pouvoir législatif, soit l'Assemblée nationale, couplé parfois au pouvoir exécutif, le Gouvernement. Et, au Cabo Verde, depuis 2016 au moins, ces 2 pouvoirs sont aux mains... du MpD. Et donc M. Ulisses Correia e Silva peut très bien changer la donne s'il le souhaite. L'opposition ne pourra pas l'en empêcher. Me trompe-je? Encore faut-il donc qu'il le veuille.
Certes, le 7 décembre 2022, Miryan Vieira, secrétaire d'État aux affaires étrangères et à la coopération, proclamait qu'il "y a une volonté politique du Gouvernement à éradiquer la pauvreté extrême d'ici à 2026" (web). Ce serait fantastique si c'était le cas.
Mais le Président de la République, José Maria Neves, issu du PAICV, avait un autre son de cloche le 13 janvier 2023, à l'occasion de son message à la Nation pour fêter le Jour de la liberté et de la démocratie. La démocratie cabo-verdienne, selon lui, "ne va pas bien". Il justifiait cette assertion car "environ 73'000 Cabo-verdiens vivent dans l'extrême pauvreté, 46'000 dans une crise alimentaire aiguë, dans un pays où le chômage des jeunes est élevé" (web). D'après le dernier recensement démographique de 2021, la population dans l'archipel s'élevait à 491'233 habitants. Donc 15% des habitants sont dans une situation de pauvreté extrême. On peut facilement dire que 50% des autres sont pauvres. Le reste appartient à la nouvelle classe moyenne (fonction publique, banques, assurances, immobilier...) qui croît en même temps que le pays se développe, avec une toute petite fraction de riches qui investissent partout, sauf au Cabo Verde.
Donc non, cette augmentation de 60% du prix du pain ou de la farine n'est pas légitime. Et oui, le Gouvernement doit agir, dans un premier temps, certes en aidant les plus démunis à coup de subventions, pour des questions de rapidité d'action. Mais dans un second temps, il doit légiférer, d'une part, sur l'importation des céréales et des denrées de premières nécessités, leur stockage approprié, éventuellement leur nationalisation afin de sortir les produits de première nécessité du "marché". Et d'autre part, si la nationalisation de la gestion des stocks locaux n'est pas acceptable, ouvrir le marché à plus d'importateurs afin de promouvoir la concurrence si essentielle à la loi du marché qu'affectionne tant le Premier ministre et ses acolytes. Un monopole (ou même un oligopole) n'apportera jamais un prix équilibré, stable, juste, jamais quelques soient les régles sacro-saintes du marché.
Pour conclure, faut-il rappeler le fameux adage du philosophe chinois Lao Tseu: "Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour. Si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours"? Tout en recourant aux subventions faciles, plus immédiates et calmant plus rapidement les esprits mécontents, le Gouvernement d'Ulisses Correia e Silva n'ignore pas l'importance de développer la formation, ce qui est un bon point pour lui. Mais en favorisant dans le même temps la loi du marché néo-libérale pour l'exploitation des ressources marines (la fameuse "économie azul" qui fait qu'on va pêcher du poisson plus en profondeur ou qu'on exploite maintenant les juvéniles, ces poissons pas encore capables de procréer, donc de régénérer l'espèce, pour les mettre en boîte dans les 2 principales usines industrielles du pays, oubliant de penser au futur), pour plus de profit et de croissance du PIB, cette formation risque bien de devenir inutile. Que pêchera l'homme s'il n'y a plus de poisson à pêcher (ce qui est en train de se produire)? On parle de pêche ici, alors que l'article traite des céréales. Qu'est-ce à dire?
Eh bien, il en va de même avec les céréales et l'alimentation de première nécessité. Il faut trouver et développer rapidement des céréales compatibles avec le climat et les sols caboverdiens, tels le mil, le sorgho, les légumineuses etc., formé les jeunes et les paysans à la permaculture et l'agro-foresterie, et ouvrir le marché en diminuant les taxes sur ces produits, afin de développer le jeu de la concurrence, sans oublier de légiférer pour éviter des dévoiements et les enrichissements spéculatifs.
On le voit bien, tout est question d'équilibre et le peu que l'on puisse dire, c'est que l'équilibre, aujourd'hui, au Cabo Verde, on n'y est pas. Au Gouvernement donc de le rétablir intelligemment et rapidement afin que le peuple puisse vivre au mieux chaque jour que la vie lui offre!
Christophe Chazalon
Genève, le 18/01/2023, modifié le 20/01/2023
Cabo Verde: Dia dos heróis nacionais, les comiques sont de sortie (2023)
En ce 20 janvier 2023, Journée nationale des héros cabo-verdiens, l'illustre Amílcar Cabral, héros de l'Indépendance, grand intellectuel révolutionnaire, à l'opposé de l'indécrottable guérillero "Che" Guevara, est mis à l'honneur et pour cause, nul autre que lui, à part l'inénarrable Cesaria Évora, n'a tant porté le Cabo Verde et sa culture au dehors des frontières de l'archipel.
Cependant, à travers les éloges, les médias relatent quelques informations annexes et deux d'entre elles nous ont bien fait rigoler, car les comiques étaient de sortie aujourd'hui.
Commençons par le président de l'Assemblée nationale du Cabo Verde, Austelino Correia, membre du MpD, le parti au pouvoir. Le 18 janvier 2023, une étude de l'Afrosondagem / Afrobarometer révélait une "augmentation considérable de la corruption dans l'archipel (web). 25% des sondés estiment que la Police nationale est corrompue, devançant de peu la dite Assemblée nationale qui atteint les 24% (web). Bien entendu ces chiffres ne font pas les affaires du MpD ni du Gouvernement issu de ce parti, l'idée étant d'offrir la meilleure image possible du pays, surtout à l'international, et, à la veille des élections, au niveau national. Par contre ils font les choux gras du premier parti d'opposition, le PAICV, qui dès lors fustige le Gouvernement avec vigueur.
Là où l'affaire est amusante, c'est lorsque Austelino Correia tente de désamorcer la "bombe". À l'occasion du Dia dos heróis nacionais, lors d'une allocution devant les médias, le président de l'Assemblée national prend note de l'étude de l'Afrobarometer, mais il en critique la lecture des données qu'il estime être "biaisée". Nous le citons pour mémoire, car cette approche restera sans nul doute dans les annales.
"Il s'agit d'une étude naturelle, tranquille. Nous devons travailler sur cette étude. Mais cette étude avait une lecture légèrement biaisée de mon point de vue. À noter que l'institution qui arrive en première position dans la perception de la corruption est la Police Nationale, avec 26%. Cela signifie que 75% des Cabo-verdiens ne pensent pas que la police est corrompue.
L'Assemblée a 24 %, en deuxième position. Cela signifie que 76% des Cabo-verdiens n'ont pas la perception d'une Assemblée nationale corrompue."
Et de se demander "pourquoi lors de la divulgation des données, il n'a pas été choisi de dire que 76% des Cabo-verdiens ne considéraient pas que l'Assemblée nationale était corrompue, plutôt que de dire que c'est la deuxième institution la plus corrompue". (web)
Eh oui! L'important, au final, ce n'est pas qu'un quart de la population (soit 1 habitant sur 4) pense que l'Assemblée nationale est corrompue, ni qu'elle est la deuxième institution la plus corrompue du pays. L'important pour M. Correia, second représentant de l'État dans l'ordre de préséance, c'est que les trois quart des Cabo-verdiens ne pensent pas que l'Assemblée nationale soit corrompue, ce qui est pour notre illustre personnage un chiffre de bon aloi, suffisant, voire exemplaire, qui montre, à n'en pas douter, la fiabilité de l'Assemblée nationale et de ses députés élus par le peuple, pour le peuple.
Eh bien désolé, Monsieur le Président de l'Assemblée nationale, le fait que votre institution soit considérée comme la deuxième plus corrompue du pays est grave, tout autant que 25% des Cabo-verdiens se défie d'elle. C'est grave pour la démocratie, car cette défiance, associée à celle vis-à-vis de la police et pire encore de la justice, entraîne irrémédiablement la montée du populisme, la force des imbéciles. 100% d'avis positif est l'idéal, 90% serait acceptable, mais 75%, c'est déplorable et triste.
Mais si les principaux concernés sont fiers et contents de ce taux, alors que faire?
Pour clore ce point et être complet nous avons réalisé ce graphique concernant l'évolution du Cabo Verde dans le classement annuel de perception de la corruption réalisé par Transparency International, la référence en ce domaine (web), ainsi que celle du classement de la liberté de la presse réalisé par Reporter sans frontières (RSF) de 2006 à 2022. À noter, d'une part que le Cabo Verde n'apparaît dans le premier classement qu'à partir de 2007 et que d'autre part, le Mpd est au pouvoir à partir de 2016, remplaçant le PAICV qui gouvernait le pays depuis 2001.
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Le second personnage qui nous a fait sourire en ce jour solennel n'est autre que le président du Conseil d'administration de CV Interilhas, Jorge Maurício, qui défend l'augmentation du prix du billet passager (aller simple) du ferry reliant Mindelo (São Vicente) à Porto Novo (Santo Antão), considérant que le prix actuel de 800 escudos (un peu plus de 7 euros) est "RIDICULE". (web)
Pour bien comprendre la situation, il faut considérer les informations suivantes:
- Le salaire minimum cabo-verdien est passé, au 1er janvier 2023, à 14'000 escudos/mois (127 euros; avant, il était de 13'000 escudos), pour 6 jours de travail, 8h par jour, soit environ 208h mensuelles. Ce qui fait environ 67 escudos de l'heure (0,60 euros/h).
- La distance entre Porto Novo et Mindelo est de 17 km de mer, parcouru en un temps d'environ 45 minutes à 1h, suivant l'état de la mer et le ferry utilisé.
- La ligne Porto Novo - Mindelo est la ligne inter-îles la plus rentable de l'archipel, si ce n'est pas la seule qui le soit. Le trafic y est considérable, ce d'autant plus que Santo Antão est une des deux îles avec Brava à ne pas comporter, à ce jour, un aéroport opérationnel. Donc tout le trafic qui relie l'île au reste du monde passe par... CV Interilhas. Peut-être faut-il le répéter: TOUT LE TRAFIC QUI RELIE SANTO ANTÃO PASSE PAR... CV Interilhas. Enfin, presque! Depuis quelques semaines l'ARMAS, un ferry concurrent 100% cabo-verdien, a obtenu l'autorisation de partager la ligne avec CV Interilhas. Un concurrence bénéfique pour les passagers, stimulant la "loi du marché", mais qui bien entendu ne fait pas les affaires de... CV Interilhas.
- Les liaisons maritimes inter-îles connaissent des difficultés constantes (avaries, pannes de bateau, etc.) et ne sont pas fiables, ce qui a poussé le Gouvernement a renégocier le contrat de concession, à la suite des nombreuses plaintes de la population (web). Et plus encore, début septembre 2022, le Gouvernement a tout simplement refusé de valider les comptes 2021 de CV Interilhas. (web).
En résumé, que peut-on en conclure? Tout simplement ceci:
- Un billet passager "aller simple" entre Santo Antão et São Vicente représentent 800/67 = 12h de travail au salaire minimum, soit "un prix RIDICULE" pour le patron de CV Interilhas! Remarque: une personne de Ponta do Sol qui souhaite aller à Mindelo, doit payer 800 escudos pour l'aller-retour en aluger et 1'600 escudos pour l'aller-retour en ferry, soit 2'400 escudos (environ 22 euros), ou l'équivalent de 36h de travail au salaire minimum, soit 4 jours et demi. Cela fait un peu cher le déplacement, mais pour un habitant de Montetrigo, de Ribeira da Cruz ou de Cruzinha c'est encore plus cher!
- Le prix du kilomètre s'élève lui à 47 escudos (0,43 euro) pour un passage "aller simple".
- La gestion du transport inter îles par CV Interilhas est chaotique pour ne pas dire catastrophique et, à court terme, tout comme TACV ou Icelandair pour le transport inter îles aériens, il va tourner au fiasco.
Alors quel(s) argument(s) donne Jorge Mauricio pour sa défense? Tout simplement que l'augmentation du prix du carburant est une cause suffisante pour invoquer une augmentation de ce tarif RIDICULE qui n'a pas bougé depuis 2012, voire 2006 pour le fret, rejouant simplement la scène théâtrale de la compagnie d'électricité Electra, tout aussi en difficulté financière. La différence, cependant, c'est que Electra est détenu à 75% par l'État qui d'ailleurs veut la privatiser, alors que CV Interilhas, eh bien, c'est de la pure entreprise privée, régie par la loi du marché, encore elle.
Alors nous, pour être sérieux, on est allé vérifier, hein, pour voir ce qu'il en était de cette augmentation exorbitante et intenable du prix du carburant et on a trouvé ceci (voir graphique ci-dessous). D'après le site Statita.com, en 2006, le prix OPEP, en dollars US, du baril de Brent était de 61$ et en 2021, il était de... 80$? 100$? Plus encore? Eh bien non! En 2021, le prix du baril était de 69,72$. Une augmentation i-n-a-c-c-e-p-t-a-b-l-e!
Et si on considère le prix passager fixé en 2012, excusez du peu, le prix du même baril de Brent était en moyenne à... 109,45$... oui, oui, oui, soit près de 2 fois plus cher qu'en 2021. Oops! Cherchez l'erreur! C'était d'ailleurs l'année où le prix du baril était le plus élevé depuis 2006.
Maintenant, si on calcule la moyenne du prix du baril entre 2006 et 2021, on obtient un prix de 73,07$ / an.
Si on calcule la moyenne du prix du baril entre 2012 et 2021, on obtient un prix de 69,93$ / an. Donc, pour le prix du billet passager, en 2021, le prix du carburant correspond au prix moyen de 2012 à 2021. Pas vraiment d'augmentation.
Maintenant, le prix moyen du baril de Brent en 2022 est estimé à 99$ (web), ce qui nous donne un prix moyen de 2006 à 2022 de 74.6$ et pour 2012 à 2022 de 79.83$, pas de quoi, encore une fois, crier au scandale!
Alors, au final, on se pose la question de savoir ce qui est le plus ridicule entre le prix du billet "aller simple passager" Santo Antão - São Vicente et les propos de Jorge Mauricio sur l'absence d'augmentation du prix de ce même billet considérant la forte hausse du prix du carburant.
Chacun se fera son idée...
À bon entendeur! Vive les héros de la Nation!
Christophe Chazalon / Genève, le 20-21/01/2023
Le secrétaire général de l'ONU en visite sur Santo Antão (2023)
Publication postérieure:
- JM / CP, "Santo Antão: Secretário-geral das Nações Unidas diz ter superado enormemente expectativas em relação à beleza da ilha", Inforpress, 22/01/2023, en ligne (web)
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Eh oui! il existe des jours plus heureux que d'autres et aujourd'hui, dimanche 22 mai 2023, Santo Antão à l'honneur de recevoir la visite du Secrétaire général des Nations Unies, rien de moins que ça, à savoir M. António Guterres. Certes il s'agit d'une visite éclair agendée à la manière habituelle des chefs d'État sur moins de 24h, mais qu'elle bonheur pour une petite île perdue au milieu de l'océan Atlantique et pour ses habitants d'enfin apparaître dans le calendrier des éminents dirigeants de ce monde. L'un des plus beaux villages du monde, Fontainhas, n'y est sûrement pas pour rien, et c'est une excellente nouvelle.
On ne peut que souhaiter une excellente visite à M. Guterres, en espérant que, comme nous, il saura s'émerveiller devant les beautés naturelles et vivantes de Santo Antão, tout autant que de l'extrême gentillesse de sa population qui, à nous, nous manque terriblement... saudade incrivel!
Belle journée à toutes et tous!
Christophe Chazalon / Genève, le 22/01/2023
Cabo Verde: quand les spéculateurs et les politiciens affament le peuple! (2023) - (I)
Depuis quelques jours, les partis politiques se livrent une bataille rangée à travers les médias au sujet de l'augmentation du prix de la farine et donc, du pain... dont voici un petit condensé:
- GSF / CP, "UCID diz que Governo não está a fazer nenhum favor à população ao subsidiar o trigo", Inforpress, 24/01/2023, en ligne (web)
- anonyme, "Praia: internautas aplaudem gesto de minimercado que mantém a carcaça a 10$00 devido ao cenário económico do país", A nação: jornal independente, 21/01/2023, en ligne (web)
- JR / JMV, "Fogo: Governo tem margem suficiente para subsidiar farinha e evitar corte no subsídio ao milho - parlamentares do PAICV", Inforpress, 20/01/2023, en ligne (web)
- anonyme, "Ucrânia: 17,8 M de toneladas de cereais e outros alimentos exportados para 43 países", Inforpress, 18/01/2023, en ligne (web)
- Gisela Coelho, "Pão na Praia: IGAE constata aumento de preços e peso da carcaça abaixo do regulamentado", A nação: jornal independente, 17/01/2023, en ligne (web)
- Sheila Ribeiro, "Padarias na Praia estão a vender o pão carcaça abaixo do peso exigido por lei", Expresso das ilhas, 17/01/2023, en ligne (web)
- Ailson Martins, "Governo reúne-se quarta-feira para analisar preço do trigo", Expresso das ilhas, 17/01/2023, en ligne (web)
- DG / AA, "PAICV solicita ao Governo reposição imediata do subsídio da farinha de trigo para diminuir preço do pão", Inforpress, 16/01/2023, en ligne (web)
- ET / ZS, "Governo com parecer negativo à continuidade das medidas de compensação para driblar o preço do trigo", Inforpress, 16/01/2023, en ligne (web)
- MC / CP, "Bravenses preveem mais complicações no dia-a-dia com o aumento do preço da farinha", Inforpress, 16/01/2023, en ligne (web)
- Sheila Ribeiro, "PAICV quer reposição imediata do subsídio da farinha de trigo", Expresso das ilhas, 16/01/2023, en ligne web)
- Edisângela Tavares, "Preço do trigo é deveras preocupante, diz Ministro da agricultura", Expresso das ilhas, 16/01/2023, en ligne web)
- MJB / CP, "Governo garante que está a analisar questão da manutenção da subsidiação da importação do trigo", Inforpress, 12/01/2023, en ligne web)
- MJB / ZS, "UCID alerta Governo para problema social decorrente do aumento em 60% de preço da farinha de trigo", Inforpress, 12/01/2023, en ligne (web)
- Sheila Ribeiro, "UCID pede ao Governo para conter preço da farinha de trigo e do leite", Expresso das ilhas, 12/01/2023, en ligne (web)
- ...
- anonyme, "Praia: falta farinha para pão e derivados", A nação: jornal independente, 22/08/2022, en ligne (web)
- Alexandre Semedo, "Combate à fome: EUA compram trigo ucraniano para doar a países pobres", A nação: jornal independente, 17/08/2022, en ligne (web)
- Alexandre Semedo, "Itália alerta: jà começou a Guerra mundial do pão", A nação: jornal independente, 05/07/2022, en ligne (web)
Bref résumé
L'affaire a éclaté le 12 janvier 2023, à l'Assemblée nationale, à Praia, alors que le député António Monteiro du parti d'opposition União caboverdiana independente e democratica (UCID) a invectivé le Gouvernement, issu du Movimento para a Democracia (MpD). En effet, l'UCID veut alerter le Gouvernement "sur le problème social qui pourrait résulter de l'augmentation de 60% du prix de la farine de blé et de l'augmentation conséquente du prix du pain", dans le pays. Ainsi un sac de 50 kg est passé de 2'890 escudos (26 euros) à 4'600 escudos (42 euros), soit 63% d'augmentation. Le prix du carcaça (le pain de référence dans le pays) aurait déjà atteint les 30 escudos dans certaines boulangeries, alors qu'il était de 15 escudos avant la suppression de la subvention. L'UCID craint donc que les habitants n'achètent plus de pain celui-ci étant devenu trop cher et donc, conséquence logique, que les boulangeries ferment leurs portes et licencient en masse, ce qui agraverait la situation déjà préoccupante de l'emploi. Aussi l'UCID demande au Gouvernement de "contenir le prix de la farine de blé et de certains autres produits, tel le lait, dont le prix a augmenté de près de 100%". Il estime par ailleurs que la croissance de 10 à 15% du PIB, annoncée par l'INE en 2022, doit permettre à l'exécutif d'agir.
Le Partido africano da independência de Cabo Verde (PAICV), premier parti d'opposition, a immédiatement rebondit sur le sujet. Le député João do Carmo a expliqué que "l'augmentation du prix de la farine était essentiellement due au retrait de la subvention du Gouvernement à la seule entreprise qui importe du blé dans l'archipel", et que cette subvention avait été accordée dans une visée électoraliste, juste avant les élections. "Cette décision gouvernementale remet en cause la situation sociale du pays, au moment où, dans tous les pays, tous les gouvernements des pays sérieux prennent des décisions pour protéger les familles" a-t-il alors ajouté.
En réponse à ces critiques, le député MpD Celso Ribeiro a expliqué que la suppression de la subvention est en fait due au montant colossal qu'elle représente pour les finances de l'État, soit 49 millions d'escudos (445'500 euros) par trimestre. "La politique de subventions, particulièrement dans ce contexte, n'est pas supportable, mais nous sommes conscients que le Gouvernement agira afin de continuer à protéger les familles et à fournir des revenus aux plus démunis", a-t-il garanti.
Le même jour, la Ministre des affaires parlementaires, Janine Lélis, a expliqué "qu'une évaluation est actuellement en cours sur la question du maintien de la subvention du blé. Nous avons choisi de la maintenir pour le maïs car les données étaient plus objectives et plus probantes. L'analyse est en cours et, si nécessaire, des mesures seront prises." (web)
Le 16 janvier, le Ministre de l'agriculture et de l'environnement, Gilberto Silva, revenait sur le sujet. "À ce jour, le Gouvernement a dépensé environ 151 millions d'escudos (1,37 millions d'euros) pour cette politique de compensation financière. Nous continuerons à subventionner le maïs pendant encore trois mois, compte tenu également de la préparation d'un nouveau cycle de production en matière d'élevage, mais en ce qui concerne le blé, nous avons un avis du Secrétariat national à la sécurité alimentaire et nutritionnelle (SNSAN) qui ne recommande pas la continuité, compte tenu de l'extension de la situation internationale et des coûts », a-t-il déclaré. L'idée du Gouvernement est donc de compenser le retrait de la subvention, jugée trop onéreuse, par des mesures plus efficaces, tel qu'un soutien aux cantines scolaires, une aide alimentaire aux familles et aussi des emplois publics qui permettent aux familles de travailler et d'obtenir des revenus suffisants pour accéder à la nourriture. Enfin, il a expliqué, dans une pensée toute néo-libérale, que les mesures de compensation, selon les lois cabo-verdiennes, ne peuvent pas durer dans le temps, compte tenu du fait qu'elles constituent également une "perturbation du fonctionnement du marché". (web)
Cette vision est bien sûr dénoncée par le PAICV, parti issu du communisme. Adelsa Almeida souligne de manière très claire "que le pain avait déjà connu une augmentation de 50 % en avril 2021 et de 19 % en février 2022, des faits qui, selon elle, ont été ignorés par le Gouvernement, qui affirmait à l'époque que le marché était libre et auto-régulé". Plus encore, cette hausse considérable du prix de la farine touche tout particulièrement "les femmes chefs de famille qui utilisent le blé comme principale matière première" pour confectionner des produits à vendre tout autant que pour nourrir leur famille. Elle rappelle par ailleurs l'augmentation récente des droits d'importation appliqués à plus de 2'000 produits qui impactent directement le pouvoir d'achat des familles. Aussi, en guise de solution, le PAICV estime que la suppression de la subvention doit simplement être compensée par une réduction ou une suppression de la TVA.
Cette vision est bien sûr dénoncée par le PAICV, parti issu du communisme. Adelsa Almeida souligne de manière très claire "que le pain avait déjà connu une augmentation de 50 % en avril 2021 et de 19 % en février 2022, des faits qui, selon elle, ont été ignorés par le Gouvernement, qui affirmait à l'époque que le marché était libre et auto-régulé". Plus encore, cette hausse considérable du prix de la farine touche tout particulièrement "les femmes chefs de famille qui utilisent le blé comme principale matière première" pour confectionner des produits à vendre tout autant que pour nourrir leur famille. Elle rappelle par ailleurs l'augmentation récente des droits d'importation appliqués à plus de 2'000 produits qui impactent directement le pouvoir d'achat des familles. Aussi, en guise de solution, le PAICV estime que la suppression de la subvention doit simplement être compensée par une réduction ou une suppression de la TVA.
Conséquences concrètes sur la vente du pain
Deux résultats assez logiques ont été relevés ces derniers jours:
- d'une part, certains boulangers ont décidé de diminué le poids du pain vendu, en particulier le carcaça. C'est du moins ce qu'ont constaté les services de l'Inspeção-Geral das atividades económicas (IGAE - e service de la répression des fraudes cabo-verdiennes) dans 4 padarias à Praia inspectées le même jour. Or la loi est très claire. L'ordonnance 64/2010 du 30 décembre 2010, article 3, point 1, fixe le poids du pain à 50 gr. pour les petits formats et à 100 gr. pour les grands.
- d'autre part, comme on l'a vu, l'augmentation du prix du pain est exponentielle, passant de 15 escudos en 2021 à 20, puis à 23, 25, voire 30 escudos aujourd'hui pour le carcaça. (web)
La faute revient-elle au Gouvernement? Petit retour sur la production mondiale de blé en 2022.
Eh bien, la question mérite d'être posée. En fait, depuis la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, sans oublier la "découverte" du réchauffement climatique par les maîtres ès Finances, pour les politiciens du monde entier, tous les maux d'aujourd'hui dérivent de ces 3 fléaux. Alors nous, comme à notre habitude, on se dit que non, que c'est trop facile et qu'il y a autre chose. Et on part à la recherche de cet "autre chose" pour essayer de comprendre la situation. Petit retour en arrière pour y voir plus clair...
Eh bien, la question mérite d'être posée. En fait, depuis la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, sans oublier la "découverte" du réchauffement climatique par les maîtres ès Finances, pour les politiciens du monde entier, tous les maux d'aujourd'hui dérivent de ces 3 fléaux. Alors nous, comme à notre habitude, on se dit que non, que c'est trop facile et qu'il y a autre chose. Et on part à la recherche de cet "autre chose" pour essayer de comprendre la situation. Petit retour en arrière pour y voir plus clair...
La crise actuelle touche plusieurs denrées alimentaires, on l'a vu, dont le lait, le maïs, le riz, mêmes les oeufs. Concentrons-nous sur le blé, céréale ô combien essentielle, pour ne pas dire vitale, dans l'alimentation occidentale, dont fait parti le Cabo Verde, ancienne colonie portugaise.
Tout d'abord qui produit du blé sur Terre. L'Atlas sociologique mondial en ligne (web) nous donne le tableau (abrégé) suivant:
Cabo Verde: Quand Les Spéculateurs Et Les Politiciens Affament Le Peuple! (2023) - (II)
Informations postérieures:
- Sheila Ribeiro, "PM reafirma convicção de eliminar pobreza extrema em Cabo Verde, Expresso das ilhas, 01/02/2023, en ligne (web)
- CM / ZS, "PAICV e UCID voltam a exigir subsidação do trigo para diminuir risco des insegurança alimentar em Cabo Verde", Inforpress, 7/01/2023, en ligne (web)
- anonyme, "Banco africano de desenvolvimento (BAD) e Fundo internacional para o desenvolvimento agrícola (FIDA) reúnem esforços para duplicar a produção dos agricultores africanos", Expresso das ilhas, 27/01/2023, en ligne (web)
- anonyme, "BAD mobiliza 10 mil milhões de dólares para a produção alimentar em África", Expresso das ilhas, 27/01/2023, en ligne (web)
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Eh oui! Eh oui! Le temps d'un week-end et un post it sur notre site, et hop! Le Gouvernement cabo-verdien se meut. C'est fou, ça, non? On apprenait ce 24 janvier 2023 que le Ministère de l'agriculture et de l'environnement, dirigé par Gilberto Silva, avait trouvé un accord avec MOAVE, une entreprise 100% cabo-verdienne qui importe le blé, le riz, le maïs, les haricots secs, le sucre, l'huile d'olive et autres huiles alimentaires, le lait en poudre et les levures au Cabo Verde. Comme quoi, quand on veut, on peut! Et à la vitesse de l'éclair (ce qui est louche, il faut le reconnaître, une telle célérité dans la baisse d'un prix).
Alors que dit cet accord? Il dit que MOAVE va baisser son prix du sac de 50 kg de farine de blé, actuellement vendu à 4'600 escudos, pour le vendre dorénavant à 3'936 escudos. Une ristourne immédiate en à peine deux jours de crise de 664 escudos par sac (environ 15%), en voilà une affaire rondement menée. Si on considère en plus la suppression de la subvention d'environ 450'000 euros par trimestre versée déjà trois fois à MOAVE, on se demande comment MOAVE fait pour accepter de perdre autant d'argent pour le seul bien de la population.
Et puis, pour être complet, quelques petits chiffres tout frais.
La tonne de blé tendre s'est vendue à la baisse aujourd'hui à Rouen (en France, principal marché du pays) à... 280 euros, soit -6%. Le 16 mai 2022, elle se vendait 438, 25 euros. On peut honnêtement parler de baisse, en ces 8 mois! Mais, en contrepoint, le site en ligne lafranceagricole.fr titrait: "La tonne de blé tendre coûterait 310 euros à produire" (web). En cause, une hausse des charges de 59% entre mars 2020 et mars 2022. On est donc loin de la guerre en Ukraine, ici, d'autant plus qu'il est précisé plus loin que la hausse dépend de la date de fourniture en engrais azotés par les agriculteurs.
Le 22 octobre 2020, le site reussir.fr titrait, lui, "Prix du blé à plus de 200 euros / tonne: les 5 points clés pour comprendre la hausse" (web) et mettait en avant un tableau avec la mention "Le prix du blé tendre au plus haut depuis l'été 2018". Ce qui illustre bien la hausse conséquente du prix du blé ces dernières années. Quoi qu'il en soit, en 2022, le prix à Rouen a oscillé entre 250 et 440 euros, pour se stabiliser au dernier trimestre autour des 330/350 euros la tonne (web).
Faisons maintenant un petit calcul tout simple pour comparer le prix du marché de la tonne de blé en France à celui de la vente au particulier au Cabo Verde, fin 2022:
- 1 tonne = 1'000 kg = 350 euros
- 1 kg = 350 euros / 1'000 = 0, 35 euros
- 50 kg = 17, 50 euros
Au Cabo Verde, un sac de 50 kg de blé est passé de 2'890 escudos (26 euros) début 2022 à 4'600 escudos (42 euros) fin 2022, soit 63% d'augmentation. Mais si on compare au prix français trading, on passe de 17,50 euros à la vente au trader à 42 euros à la vente au particulier cabo-verdien, soit 2,4 fois plus cher. Précisons encore que le blé russe est beaucoup moins cher, mais pour contrer les prix des assurances et du transport. Alors que le blé américain actuellement est hors de prix, malgré la bonne récolte.
Pour le reste, si on en revient à notre article du jour, quand on lit Inforpress, on retient surtout cette affirmation:
"Nous pensons être arrivés à un prix abordable compte tenu de la situation internationale, avec une escalade des prix dans le monde entier, dans laquelle tous les pays souffrent", a conclu le ministre, qui a toutefois fait état d'une "tendance au niveau international pour certaines baisses"», mais que cela « ne se produit toujours pas dans la pratique »". (web)
Donc oui le marché international du blé voit les prix baissés, mais pas dans la pratique!
Désolé, je suis idiot, mais je ne comprends pas bien. Si le prix baisse, il baisse. Si le prix monte, il monte. Mais là, au Cabo Verde, il baisse dans le monde, mais il monte localement!
Donc, MOAVE, l'importateur principal, au monopole, dans l'archipel baisse le prix de son sac de 50 kg de blé, d'un coup, hop, de 15%. Il sera intéressant de considérer le bénéfice brut de MOAVE pour 2022, avant ou après impôts, pour voir à quel point MOAVE était dans l'obligation d'augmenter de 60% le prix de la farine de blé pour répercuter les prix internationaux exorbitants qui baisse sur le prix de vente local qui monte. Ah, mais zut! C'est une entreprise privée non cotée en bourse, qui n'a pas l'obligation de divulguer ses bénéfices bruts ou nets, sauf pour raison de com! Et puis, il ne faut pas oublier que MOAVE, c'est du sérieux. Son site ne dit-il pas que "L'expérience, les connaissances, la qualité de ses produits, l'appréciation de ses clients, le plus grand respect de toutes les parties prenantes, entre autres aspects, confèrent à MOAVE les exigences nécessaires qui lui permettent d'être considérée comme l'une des grandes références nationales dans la production et la commercialisation de produits alimentaires." Alors si MOAVE le dit, il faut le croire, c'est sûr! Bravo MOAVE et merci pour votre générosité si dynamiquement mis en place pour le bien du peuple!
Eh oui! On est méchant et on tape sur MOAVE, alors que c'est plutôt le marché qui pose problème. Pour bien comprendre les base de ce dernier, il faut savoir que le "driver" du monde du blé, c'est la Russie, le plus grand exportateur de blé au monde et surtout le pays qui a le blé avec le meilleur rapport qualité - prix. Et la Russie n'a pas de bourse du blé au contraire des USA, par exemple, qui ont les 2 plus grandes bourses du blé (et d'autres céréales) du monde, à savoir Chicago et Kansas City. Cette situation rend le marché très incertain. Plus encore, le fret est devenu hors de prix pour la Russie et l'Ukraine à cause de la guerre. Les assurances explosent, les traders "edge" leur commande pour limiter la casse en cas de défaut et tout cela se répercute sur le prix à l'importation.
Tout cela alors que la Russie a du blé à revendre, avec une année 2022 record. On parle de plus de 40 millions de tonnes disponibles à l'exportation. Donc on pourrait nourrir la planète à petit prix, mais Vladimir Poutine fait la loi et même si l'alimentation n'est pas sous embargo, au contraire du pétrole, c'est LA cause première de la hausse du prix du blé à la fin de l'hiver de 2022. Et au final, la plus grande arme de Poutine, c'est le blé, pas le pétrole ou le gaz, nous dit-on.
Plus encore, les banques sont coupables. Trop frileuses, elles refusent de financer le négoce de céréales de peur des répercussions futures (hypothétiques) qui pourraient survenir à la suite d'une décision politique. Or, les banques sont centrales dans le financement du blé, des semis au transport final. Elles financent non seulement en amont, mais aussi accordent après inspection les documents qui permettent le transport. Autrement dit, les banques sont le gendarme du marché des céréales.
Quant au carré ABCD (Archer Daniels Midland, Bunge, Cargill et Louis Dreyfus), c'est une ultra-concentration de multinationales du marché, totalement opaque, qui fait la loi et qui, au final, n'a qu'un seul et unique but: faire du profit. Ni plus ni moins. L'argent avant tout et le plus possible! Les peuples, les humains, le social, l'entraide, etc., c'est secondaire (comprendre: ils s'en fichent).
On le voit, dans tout ça, MOAVE est un peu secondaire, elle aussi, face à ces puissances financières. Pour exemple, Cargil a fait 165 milliard de chiffre d'affaire, avec une progression de plus de 20% en 2022. En 2021, les 4 géants ABCD ont fait 10,3 milliards de bénéfice net pour des recettes totales de 328 milliards de dollars américains (web). En comparaison, le budget du Cabo Verde pour 2023 est de 77,9 mille millions d'escudos, soit 712 millions d'euros. Que dire de plus? S'il le voulait, en une seule année, le carré ABCD pourrait financer intégralement le budget du Cabo Verde et payer la dette attenante de près d'un milliard et demi d'euros sans que cela n'affecte grandement le bénéfice net à redistribuer aux actionnaires.
Ce qui nous amène à dire, grosso modo, que le problème de l'Humanité, ce n'est pas les mégalomanes politiques aux manettes (même s'ils font beaucoup de dégats), mais les multinationales. Poutine est en fin de vie à cause d'un cancer. Avec un pouvoir quasi infini, de l'argent à ne plus savoir qu'en faire, il s'est lancé dans une dernière action: une guerre, probablement très mal conseillé par ses généraux et pour la gloire. Dommage, c'est un fiasco dont il ne parvient pas à sortir la tête haute... Tout cela rend le marché incertain, la vie des gens difficiles, mais ce n'est rien comparé au mal que font les multinationales à l'Humanité. Elles sont tellement puissantes qu'elles sont comme un parasite qui s'infiltre partout. Le gui est peut-être la meilleure comparaison. Pour vivre, il a besoin d'un arbre qu'il colonise petit à petit, s'immisçant toujours plus profondément en lui, mais sans le détruire complètement (web). Les multinationales sont le gui des sociétés humaines actuelles. Les limiter dans leur expansion enlèverait l'essentiel des maux actuels, en particulier climatiques et écologiques, de santé publiques (cancers, diabète, choléstérol, AVC etc.), de conflits mondiaux, de trafic de matières polluantes etc. Mais voilà, les multinationales, c'est énormément d'emploi et aucun gouvernement "démocratiques" au monde n'accepterait de prendre le risque de les interdire, ou plutôt de les démanteler. Mais les multinationales, elles, n'ont pas d'état d'âme. Google a annoncé licencier 12'000 salariés le 20 janvier 2022 (web) sur un total de 186'000, tout cela car... elle doit présenter ses résultats aux actionnaires le 2 février. Business is business. Les humains ne sont rien que de la main-d'oeuvre. Et elle n'est pas la seule. Début novembre 2022, Facebook / Meta annonçait la suppression de 11'000 salariés, soit 13% de ses effectifs (web). Microsoft prévoit, lui, la suppression de 10'000 employés d'ici fin mars et Amazon 18'000 (web) . En cause, disent-ils "la conjoncture économique et le changement de priorité des consommateurs". Eh oui! Ce ne sont pas les multinationales les fautives ni la gestion qui est en cause, mais bien les consommateurs, autrement dit "ou comment prendre les gens pour des imbéciles, mode CEO de la Tech"!
Du coup, les multinationales optimisent leur fiscalité et ne paient quasiment pas d'impôts. Alors que si une multinationale était démantelée, elle pourrait être active dans chaque pays, en structure indépendante, donc avec une comptabilité indépendante, et donc une fiscalité propre à chaque pays qui en posséderait une entité sur son territoire. L'optimisation fiscale serait moindre. On s'approcherait du gagnant-gagnant. Plus encore, l'influence nocive sur les politiciens et faiseurs de lois serait réduite à peau de chagrin. Ceux-là pourraient donc agir selon leur entendement et leurs convictions, non selon les possibles retombées économiques ou financières. En fait, tout le monde en profiterait, sauf les actionnaires et les CEO et leur parachute dorée en actions. Mais tout cela, ce n'est pas pour demain, malheureusement.
Quoi qu'il en soit, ce qui est positif au final, et qui est de loin le plus important, c'est que le prix de la farine baisse concrètement pour la population au Cabo Verde. Il était temps!
- Fretson Rocha, "Saco da farinha de trigo com redução de preço entre 10,9% e 14,6%", Expresso das ilhas, 24/01/2023, en ligne web)
- Natalina Andrade, "Preço do pão deve baixar: padarias e lojas com desconto na compra de farinha", A nação: jornal independente, 24/01/2023, en ligne web)
- AA / ZS, "São Vicente: Governo anuncia acordo com a MOAVE que faz baixar preço do saco de farinha de trigo", Inforpress, 24/01/2023, en ligne web)
Maintenant, pour toutes celles et ceux qui veulent comprendre le marché du blé, voici 5 épisodes d'une émission radiophonique intelligente, Vacarme, de la Radio Télévision Suisse Romande, intitulé "Blé: l'appât du grain" web), mis en ligne ce dimanche. Les 5 épisodes sont les suivants:
- La valse des bourses: Loin des champs où pousse le blé, les acteurs principaux du marché international du blé travaillent dans des bureaux. Ce sont les banques, les entreprises de négoce et de transport. Véritable centre névralgique de ce commerce mondial, Genève abrite les plus grandes entreprises de négoce en matières premières céréalières. Les fameuses ABCD (ADM, Bungee, Cargill et Dreyfuss) qui cumulent à elles seules 80% des transactions mondiales. Une filière peu transparente qui soulève les critiques des ONG, dont l’association Public Eye.
- Une montagne dorée: En cas de crise, la Suisse pourrait subvenir pendant 4 mois aux besoins vitaux de ses citoyen.nes. La coopérative réservesuisse gère ainsi un stock de 180'000 tonnes de blé, soigneusement réparti sur le territoire et contrôlé régulièrement par des inspecteurs. À 3000 km de la Suisse, l’Égypte est le premier importateur mondial de blé. Depuis le début de la guerre en Ukraine, le pays souffre de plein fouet d’une crise d’approvisionnement du blé et le prix du pain est sous haute surveillance pour que les émeutes de la faim de 2008 ne se reproduisent pas.
- Au four et au moulin: À la ferme des Terres Rouges près d’Yverdon, Fabien et Caroline Thubert ont décidé de ne dépendre de personne pour concevoir et vendre leurs pains. Ces paysans-meuniers- boulangers sont dans les champs, au moulin et à la pétrisseuse et tirent de leur expérience une philosophie de vie qui va plus loin que la fabrication et la vente du pain. À quelques kilomètres de là, dans la Broye, le groupe Minoterie S.A fournit un tiers de notre farine nationale. À travers des dédales de tuyaux, les grains de blé passent par tous les états et finissent en presque 30 farines de base différentes, de la plus complète à la plus fine.
- Patrimoine de l'humanité: L’Agroscope de Changin est un lieu en constante ébullition. Dépendant de l’Office fédéral de l’agriculture, les chercheur.euses y scrutent les tendances climatiques et y imaginent les céréales de demain. Dario Fossati, grand maître des blés, nous conduit au cœur de l’institution et nous révèle ses secrets. À l’autre bout de la création céréalière se trouve un petit village haut-valaisan, Erschmatt. Là-bas le seigle est semé à l’ancienne, comme une réponse aux défis du futur.
- Stratégie en jachère: Autonome à 90% en blé panifiable, notre pays dépend des importations pour le blé fourrager destiné à l’alimentation du bétail et à la production de viande, et pour le blé dur utilisé dans les pâtes. Préoccupé par ce manque d’autonomie, L’UDC a interpelé le Conseil Fédéral au printemps 2022 en chargeant celui-ci d’adopter un train de mesures urgentes pour une plus grande autonomie alimentaire du pays. La motion, rejetée par le Conseil fédéral, s’attaquait à l’augmentation des surfaces des zones classées en biodiversité et demandait l’arrêt provisoire de la jachère. Une position intenable pour les Vert.es.
Bon courage à toutes et tous, et à tout bientôt pour un nouveau post it!
Christophe Chazalon / Genève, le 24/01/2023
Avant d'analyser ce tableau, revenons rapidement sur la Guerre en Ukraine. Elle a été déclenchée en février 2022, par le président russe Vladimir Poutine. Or, d'un point de vue géographique, l'Ukraine se trouve à la frontière de l'Europe, donc de l'Empire, ce dernier étant protégé par l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN). Aussi, tout ce qui suit est en fait un gigantesque jeu de géoéconomie en cours, celle-ci remplaçant la géopolitique depuis que la Finance dirige le monde (web). Les politiciens et les économistes ont immédiatement alerté sur le danger que représentait cette guerre en matière d'alimentation mondiale. "L'Ukraine est le grenier à blé du monde" nous a-t-on-dit, tel Luc Bronner, qui publia le 6 mai 2022 son article dans le journal français Le Monde, intitulé: "Guerre en Ukraine: avis de tempête sur le grenier à blé du monde" (web). Sans le blé ukrainien, la famine va sévir de par le monde. Et les diplomates et les politiques de trouver des consensus avec la Russie pour permettre au blé ukrainien de sortir du pays pour nourrir les pays pauvres. Le 17 août 2022, Alexandre Semedo ne publiait-il pas un article dans le journal A nação, intitulé "Combate à fome: EUA compram trigo ucraniano para doar a países pobres" (web)? En fait, Bronner (et consors) aurait dû parler de "céréales" au lieu du "blé" comme le suggère son accroche "Le blocus de la mer Noire menace la sécurité alimentaire de nombreux pays qui se fournissent auprès de Kiev en blé, maïs, colza, tournesol, orge…).
Quoi qu'il en soit, le lendemain de la publication de ce post it, sur notre page d'accueil, Inforpress publiait un autre article intitulé "Ucrânia: 17,8 milhões de toneladas de cereais e outros alimentos exportados para 43 países" (web). Cette article rédigé par la rédaction du journal, plus proche de la dépêche que d'un article de fond, est intéressant à plus d'un titre. Il précise que grâce à l'accord du 22 juillet 2022, passé entre l'Ukraine et la Russie, avec l'aide de l'ONU et de la Turquie, l'Ukraine a pu exporter ses céréales et autres denrées alimentaires dans 43 pays différents. Cela confirmerait donc l'importance du "blé" ukrainien pour nourrir la planète et particulièrement les pays pauvres, sujet à une famine certaine. Oui, oui, oui... tout semble parfait, sauf que, ça ne l'est pas, comme le confirme l'extrait suivant:
"Jusqu'à présent, selon le Centre conjoint de coordination de cet accord, la Chine s'est positionnée comme le principal destinataire des exportations, l'Espagne comme deuxième et la Turquie comme troisième. Près de 44 % du blé exporté a été expédié vers des pays à revenu faible ou intermédiaire (64 % vers des économies en développement) et le Programme alimentaire mondial (PAM) a acheté 8 % du total de blé exporté dans le cadre de l'initiative, à l'appui de ses opérations humanitaires contre la faim dans le monde. ("Até ao momento, segundo o Centro de Coordenação Conjunta deste acordo, a China posicionou-se como o principal destinatário das exportações, a Espanha como segundo e a Turquia como o terceiro. Quase 44% do trigo exportado foi enviado para países de baixos e médios rendimentos (64% para economias em desenvolvimento) e o Programa Mundial de Alimentos comprou 8% do total de trigo exportado ao abrigo da iniciativa, em apoio às suas operações humanitárias contra a fome em todo o mundo)."
Or, la Chine est le premier producteur mondial de blé (entre autre), avec plus de 134 millions de tonnes en 2020. La Turquie est la 10e et l'Espagne la 18e. Comment accepter que seulement 44% de l'exportation urkrainienne, soit moins de la moitié, ait été exportés vers des pays pauvres et que le PAM n'en a acquis au final que 8%. En gros... bonjour la spéculation sous couvert de sauver le monde de la faim! Certes, l'article ne parle pas que du blé, mais quand même.
Si on revient maintenant au tableau ci-dessus, dans les faits, en 2020, l'Ukraine est seulement le 8e producteur mondial de blé, avec une production de près de 25 millions de tonnes, derrière la France, 6e avec 30 millions de tonnes. Les trois premiers producteurs mondiaux, à savoir la Chine, la Russie et l'Inde en ont produit en tout, la même année, près de 328 millions. Donc non, l'Ukraine n'est pas le grenier à blé du monde et de très très loin. Et la Chine et l'Inde ne sont pas encore en guerre, sauf erreur...
On rétorquera que la production dans certains pays producteurs a connu des difficultés et que les rendements étaient réduits (d'après les experts dont on va voir l'intérêt de l'expertise ci-dessous). Ok, pourquoi pas! Mais c'étaient des "prévisions". Dans les faits, toujours eux, si on se base sur les statistiques officielles institutionnelles, il n'y avait aucune raison d'alerter le monde comme quoi, sans le blé ukrainien bloqué par les méchants dirigeants russes (ils le sont effectivement mais pas pour cette raison), les pays pauvres allaient connaître la famine. Pour être très clair, la pénurie de blé ou plus exactement l'augmentation du prix du blé sur les marchés mondiaux est UNIQUEMENT LE FAIT DES SPÉCULATEURS, autrement dit des courtiers, des banques, des riches investisseurs, des gouvernements de tous bords. Ceux-ci font main basse sur le blé, le stock et attendent que les prix montent. Les médias, pour l'essentiel, peu scrupuleux de nos jours ou trop pauvres, ne se posent pas de questions, mais rabâchent simplement ce que disent les portes-paroles des gouvernements ou des partis politiques. Ajoutez un ou deux "spécialistes de la question" sur tous les plateaux télé des principales chaînes nationales ou d'information, et hop, le tour est joué.
Quant à l'absolu besoin de l'Ukraine (et l'Empire qui la soutient) de vendre sa production céréalière malgré la guerre, il n'a qu'un seul but pour l'Empire: financer la dite guerre en donnant des devises sonnantes et trébuchantes au gouvernement ukrainien pour acquérir des armes et alii. L'inflation exponentielle sur les marchés du prix du blé et des autres céréales, similaire à la crise de 2011 nous dit-on, a aussi en partie le but de rendre la vente plus rentable. Sous couvert de prévisions "dite catastrophique" des institutions internationales telle la FAO, les prix ont été gonflés artificiellement par ricochet. On va le voir ci-après. Donc l'Ukraine a pu empocher encore plus d'argent pour sa défense armée, tout en évitant la perte de sa production. Doublement gagnante!
Heureusement, tous les médias ne sont pas totalement aveugles. La Radio Télévision Suisse romande (RTS), elle, se penchait intelligemment sur la question le 12 janvier 2022, soit le même jour où le Parlement cabo-verdien entrait en ébullition à cause de l'augmentation de 60% du prix du blé. Que nous apprend-elle? Ceci (web):
"L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) annonçait que 2022 avait été une année tristement record: le prix du blé et du maïs ont franchi des sommets, faisant bondir l'indice des produits de base de la FAO.
Du jamais vu depuis 2011, une année tristement marquée par une crise alimentaire et des émeutes liées aux famines dans plusieurs pays d'Afrique.
Mais désormais, la tendance s'inverse: les prix du blé sont en chute. Le marché digère les belles récoltes en Australie ou en Russie comme s'il n’y avait pas de guerre en Ukraine. Un baromètre: le contrat à terme de référence pour le blé tendre d'hiver, qui est tombé cette semaine à son plus bas niveau depuis plus de deux ans à la Bourse de Chicago."
Ce n'est pas une information nouvelle cependant. Le 7 novembre 2022, Expresso das ilhas titrait déjà "Preços da comida estabilizaram a nível mundial em Outubro, revela FAO" (web).
Donc, pour résumé: la guerre en Ukraine a débuté en février 2022, augmentant d'autant l'instabilité des marchés à la sortie de la pandémie de Covid-19 qui avait paralysée littéralement une grande partie de l'économie mondiale (une autre partie a cependant été extrêmement florissante si on en croit l'augmentation inouïe de la fortune des 1% les plus riches de la population mondiale - web). Les spéculateurs en ont profité, suivant des prévisions voulues pessimistes. Et les prix ont explosé. Pour des raisons purement politiques, les État occidentaux (le fameux Empire), sous la houlette des USA, ont accusé la Russie d'être la cause d'une nouvelle famine mondiale. D'après eux, le blé ukrainien était primordial pour la survie de millions d'individus dans le monde. La propagande, de part et d'autre, battait alors son plein. Et puis l'été est arrivé. Surprise (pas tant que ça en fait), la production mondiale n'a jamais été aussi bonne qu'en 2022 et les prix ont chuté lourdement sur les marchés internationaux à l'automne 2022, et donc dans les pays pauvres, dont le Cabo Verde. Est-ce bien cela?
Oops! Alors que les prix du blé s'effondre à la Bourse de Chicago (lieu où se négocie l'essentiel du blé et des autres céréales mondiales), dans le même temps, il augmente de... 60% au Cabo Verde! Incroyable! Vive le néo-libéralisme et la loi du marché!
Mais en fait, pourquoi cette augmentation vertigineuse du prix du blé au Cabo Verde? Parce que, nous dit-on officiellement, le Gouvernement a supprimé une subvention au PRINCIPAL IMPORTATEUR DE BLÉ DU CABO-VERDE, subvention qui a coûté pas moins d'un million et demi d'euros. Le PRINCIPAL IMPORTATEUR DE BLÉ AU CABO VERDE (qu'on ne nommera pas parce que tout le monde le connaît dans l'archipel) n'a pas eu d'autre choix que d'augmenter ses prix de 60%. Grosso modo: de qui se moque-t-on?
On comprend que l'importateur n'a pas acheté son blé en décembre 2022 pour le vendre en janvier 2023, mais qu'il l'a acquis auprès d'un autre fournisseur, qui lui même l'a acheté à un courtier, qui lui même la racheté à un autre courtier, qui lui même le tenait d'un gouvernement qui le stockait etc. etc. etc.
Plus encore, à peine 5 jours après le début de la guerre en Ukraine, panapress titrait déjà: "Le Cap-Vert craint une aggravation des prix des céréales en raison du conflit russo-ukrainien (Cabo Verde receia agravamento de preços de cereias pelo conflito Rússia-Ucrânia)" (web). Une expertise ultra-rapide de la situation géoeconomique dira-t-on. Et le 25 mars 2022, le Gouvernement cabo-verdien décidait donc de "doubler sa capacité de stockage de céréales (duplicar capacidade de armazenamento de cereais)" (web).
Reprenons l'article de la RTS pour faire taire les imbéciles et expliquer clairement et simplement les choses:
La Russie exporte donc facilement son blé, mais elle n’est pas seule. L'Inde revient en force dans le marché mondial et l'Australie prévoit une saison record. Bref, il y a trop de blé dans le monde en ce moment, jugent les analystes.
D'autant que la concurrence se joue aussi en Europe, où le blé russe est très bon marché face au blé américain, pénalisé par les effets de change. À la manœuvre, on retrouve les quatre grandes maisons de négoces de céréales, ADM, Bunge, Cargill et Louis Dreyfus, aussi connues sous le nom de "carré ABCD".
Normalement, les niveaux actuels devraient perdurer même si la guerre se poursuit en Ukraine. Car l'Ukraine est un acteur secondaire sur le marché du blé, contrairement à celui du maïs, estime Philippe Chalmin, économiste à [l'Université] Paris Dauphine."
D'autant que la concurrence se joue aussi en Europe, où le blé russe est très bon marché face au blé américain, pénalisé par les effets de change. À la manœuvre, on retrouve les quatre grandes maisons de négoces de céréales, ADM, Bunge, Cargill et Louis Dreyfus, aussi connues sous le nom de "carré ABCD".
Normalement, les niveaux actuels devraient perdurer même si la guerre se poursuit en Ukraine. Car l'Ukraine est un acteur secondaire sur le marché du blé, contrairement à celui du maïs, estime Philippe Chalmin, économiste à [l'Université] Paris Dauphine."
Plus encore (ou pire), la FAO publiait de son côté un article le 02 décembre 2022 (donc le mois dernier), intitulé "Les prévisions concernant la production et les échanges mondiaux de céréales tombent à leur plus bas niveau depuis trois ans" (web). Voilà qui est inquiétant, n'est-il pas? Le début de l'article commence ainsi "Les prévisions de la FAO concernant la production mondiale de céréales en 2022 ont été réduites de 7,2 millions de tonnes ce mois-ci et s’établissent à présent à 2'756 millions de tonnes, soit une baisse de 2,0 pour cent (57 millions de tonnes) en glissement annuel. À titre de comparaison, la production mondiale de céréales a progressé en moyenne de 56 millions de tonnes par an ces trois dernières années. La révision à la baisse apportée ce mois-ci concerne principalement la production de maïs et, quoique dans une moindre mesure, celle de blé". Catastrophe, la production de céréales a baissé de... 2%, mais le prix de la farine a augmenté de 60% au Cabo Verde dans le même temps, oops!
Pour mieux comprendre cet extrait, il faut savoir que la l'Ukraine était le 5e producteur de maïs en 2020 (30 millions de tonnes), très loin derrière les USA (360 millions), la Chine (260 millions) et le Brésil (104 millions). (web)
Mais le rapport de la FAO est encore plus troublant, comme le montre le graphique suivant. Que nous apprend-il?
- La production mondiale de céréale a augmentée de près de 500 millions de tonnes entre 2012/2013 et les années 2016/201/ - 2022/2023 pour se fixer plus ou moins à 2'750 millions de tonnes annuelles.
- Depuis 2019 environ, l'utilisation suit à peu près la courbe de la production, avec de faibles variations (+ ou -)
- Depuis 2017 environ, les stocks de céréales ont augmentés de plus de 140% par rapport à 2012/2013 et qu'ils sont restés stables. La FAO estiment, par ailleurs, que "les prévisions concernant les stocks mondiaux de céréales à la clôture des campagnes de 2023 ont été réduites de près de 1,1 million de tonnes depuis le mois dernier et abaissées à 839 millions de tonnes, ce qui représente un recul de 2,2 pour cent (18,5 millions de tonnes) par rapport à la campagne précédente et le niveau le plus bas enregistré depuis trois ans. À ce niveau, le rapport stocks/utilisation de céréales au niveau mondial serait en recul, puisqu’il passerait de 30,9 pour cent en 2021-2022 à 29,3 pour cent en 2022-2023, son plus bas niveau depuis 2013-2014, mais une situation en matière d’offre encore relativement confortable."
Il semblerait que le début de l'article alarmiste ne colle plus avec le marché du blé, car la production ne fait qu'augmenter depuis 2018-2019, même en 2022-2023 (prévisions revues ou non), idem pour sa disponibilité etc. C'est à n'y plus rien comprendre.
Si la production et la disponibilité du blé augmente confortablement depuis 2018/2019, alors pourquoi les prix grimpent-ils sur les marchés et tout particulièrement au Cabo Verde, à niveau de 60%?
Une seule raison peut expliquer cette situation: la SPÉCULATION, vous savez la fameuse "loi du marché" tant adulée par le Gouvernement MpD!
Conclusion
Au final, la hausse du prix du blé est une simple spéculation des 4 grandes maisons de négoces de céréales, des nombres de courtiers et traders intermédiaires, des banques, de certains gouvernements (ou certains de leurs membres), d'importateurs et de grossistes peu scrupuleux qui ont trouvé là le moyen de s'enrichir facilement et... en toute l'égalité.
Alors que dire du Gouvernement de M. Ulisses Correia e Silva? Pas grand chose. Néo-libéral dans les actes, peu attaché au bien être de la population (malgré toutes les affirmations que ses ministres et autres membres du MpD peuvent bien proclamer à corps et à cri dans les médias, ce n'est pas leur priorité), préférant la macro-économie à la micro-économie, l'aide internationale (vitale pour le développement du pays) à la qualité de vie de la population (celle-ci tout aussi vitale pour le développement du pays), aucune décision n'est prise pour freiner la spéculation et les actes du PRINCIPAL IMPORTATEUR DE CÉRÉALES DU CABO VERDE. Ulisses et consorts préfèrent utiliser l'argent des aides internationales pour aider les plus démunis, les plus pauvres, les miséreux, oubliant les autres guère plus chanceux (voir ci-après), plutôt que d'agir en profondeur. On dira là que c'est colmater les brèches, mais pas curer le mal.
Pour empêcher les spéculateurs de sévir, il faut des lois, au niveau international (tout d'abord), mais aussi au niveau continental et local. Or, les lois sont le fait des politiciens, ou plus précisément du pouvoir législatif, soit l'Assemblée nationale, couplé parfois au pouvoir exécutif, le Gouvernement. Et, au Cabo Verde, depuis 2016 au moins, ces 2 pouvoirs sont aux mains... du MpD. Et donc M. Ulisses Correia e Silva peut très bien changer la donne s'il le souhaite. L'opposition ne pourra pas l'en empêcher. Me trompe-je? Encore faut-il donc qu'il le veuille.
Certes, le 7 décembre 2022, Miryan Vieira, secrétaire d'État aux affaires étrangères et à la coopération, proclamait qu'il "y a une volonté politique du Gouvernement à éradiquer la pauvreté extrême d'ici à 2026" (web). Ce serait fantastique si c'était le cas.
Mais le Président de la République, José Maria Neves, issu du PAICV, avait un autre son de cloche le 13 janvier 2023, à l'occasion de son message à la Nation pour fêter le Jour de la liberté et de la démocratie. La démocratie cabo-verdienne, selon lui, "ne va pas bien". Il justifiait cette assertion car "environ 73'000 Cabo-verdiens vivent dans l'extrême pauvreté, 46'000 dans une crise alimentaire aiguë, dans un pays où le chômage des jeunes est élevé" (web). D'après le dernier recensement démographique de 2021, la population dans l'archipel s'élevait à 491'233 habitants. Donc 15% des habitants sont dans une situation de pauvreté extrême. On peut facilement dire que 50% des autres sont pauvres. Le reste appartient à la nouvelle classe moyenne (fonction publique, banques, assurances, immobilier...) qui croît en même temps que le pays se développe, avec une toute petite fraction de riches qui investissent partout, sauf au Cabo Verde.
Donc non, cette augmentation de 60% du prix du pain ou de la farine n'est pas légitime. Et oui, le Gouvernement doit agir, dans un premier temps, certes en aidant les plus démunis à coup de subventions, pour des questions de rapidité d'action. Mais dans un second temps, il doit légiférer, d'une part, sur l'importation des céréales et des denrées de premières nécessités, leur stockage approprié, éventuellement leur nationalisation afin de sortir les produits de première nécessité du "marché". Et d'autre part, si la nationalisation de la gestion des stocks locaux n'est pas acceptable, ouvrir le marché à plus d'importateurs afin de promouvoir la concurrence si essentielle à la loi du marché qu'affectionne tant le Premier ministre et ses acolytes. Un monopole (ou même un oligopole) n'apportera jamais un prix équilibré, stable, juste, jamais quelques soient les régles sacro-saintes du marché.
Pour conclure, faut-il rappeler le fameux adage du philosophe chinois Lao Tseu: "Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour. Si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours"? Tout en recourant aux subventions faciles, plus immédiates et calmant plus rapidement les esprits mécontents, le Gouvernement d'Ulisses Correia e Silva n'ignore pas l'importance de développer la formation, ce qui est un bon point pour lui. Mais en favorisant dans le même temps la loi du marché néo-libérale pour l'exploitation des ressources marines (la fameuse "économie azul" qui fait qu'on va pêcher du poisson plus en profondeur ou qu'on exploite maintenant les juvéniles, ces poissons pas encore capables de procréer, donc de régénérer l'espèce, pour les mettre en boîte dans les 2 principales usines industrielles du pays, oubliant de penser au futur), pour plus de profit et de croissance du PIB, cette formation risque bien de devenir inutile. Que pêchera l'homme s'il n'y a plus de poisson à pêcher (ce qui est en train de se produire)? On parle de pêche ici, alors que l'article traite des céréales. Qu'est-ce à dire?
Eh bien, il en va de même avec les céréales et l'alimentation de première nécessité. Il faut trouver et développer rapidement des céréales compatibles avec le climat et les sols caboverdiens, tels le mil, le sorgho, les légumineuses etc., formé les jeunes et les paysans à la permaculture et l'agro-foresterie, et ouvrir le marché en diminuant les taxes sur ces produits, afin de développer le jeu de la concurrence, sans oublier de légiférer pour éviter des dévoiements et les enrichissements spéculatifs.
On le voit bien, tout est question d'équilibre et le peu que l'on puisse dire, c'est que l'équilibre, aujourd'hui, au Cabo Verde, on n'y est pas. Au Gouvernement donc de le rétablir intelligemment et rapidement afin que le peuple puisse vivre au mieux chaque jour que la vie lui offre!
Christophe Chazalon
Genève, le 18/01/2023, modifié le 20/01/2023
L'Occident méprise toujours l'Afrique: un échec et mat annoncé (2023)
En ces temps troubles et incertains, de plus en plus de voix, dont celle de l'ONU, se demandent à quoi joue l'Occident?
L'Occident garant de la Démocratie
L'Occident (ou le Western World ou l'Empire), c'est avant tout et surtout la Démocratie avec un grand "D". Imparfaite certes, mais démocratie quand même. Tout comme le précisait Francis Fukuyama, sur les traces d'Hegel, en 1992, à travers son ouvrage La fin de l'histoire et le dernier homme, il n'y a rien de connu de supérieur à la Démocratie pour gérer l'Humanité. La "fin de l'Histoire" ne signifiait donc pas qu'il n'y avait plus d'Histoire comme la totalité de la critique l'a dénoncé bêtement, montrant par là qu'elle n'avait même pas pris le temps de lire le livre, mais que "l'Histoire s'achèvera le jour où un consensus universel sur la démocratie mettra un point final aux conflits idéologiques".
Nous soutenons l'idée que la Démocratie, même imparfaite, est le meilleur moyen de gestion de l'Humanité, celui qui laisse le plus de libertés aux individus et respecte le mieux leurs droits. C'est pourquoi, la politique de l'Occident, pour nous, doit prévaloir sur celle de la Chine, de la Russie, de l'Arabie Saoudite ou des nationalismes ou intégrismes galopants.
Cependant, force est de constater que depuis le début du XXIe siècle, l'Occident se fourvoie et poursuit avec obstination sa vision politico-économique de croissance qui mènera l'Humanité dans le mur, car, aujourd'hui, simple lapalissade, le pouvoir n'est plus politique, mais économique. Les multinationales et les "actionnaires-investisseurs" dictent les lois, au sens propre comme au figuré. L'Empire est en apparence riche et croit par son insolente richesse pouvoir dicter la conduite du monde. Ceci était vrai au XIXe siècle. Ceci était encore vrai au XXe siècle. Ceci est has been ou hors de propos au XXIe siècle pour la simple et bonne raison qu'une grande partie de cette richesse n'est autre que de la dette et que la majeure partie des pays riches ne possèdent pas de matières premières abondantes. Aussi, le blog du Fonds monétaire international, IMFBlog.org, proposait le 15 décembre 2021, un article de Vitor Gaspar, Paulo Medas et Roberto Perrelli, intitulé "La dette mondiale atteint un niveau record de 226'000 milliards de dollars" (web). Qu'est-ce à dire? Que 226'000 milliards de dollars équivalent à 256% du PIB mondial, dont 40% correspond à la seule dette publique, un record depuis les années 1960. Anne-Laure Kiechel, banquière spécialisée dans le conseil aux gouvernements, expliquait le 29 janvier 2023 au Journal du dimanche que "le montant total de la dette mondiale publique et privée est de 300'000 milliards de dollars, ce qui représente 350% du PIB mondial" (web). En fait, cette dette ne cesse de croître et est due pour l'essentiel aux pays occidentaux, plus la Chine. La crise du Covid-19 n'a fait qu'amplifier le phénomène. En 2022, la dette extérieure des USA explosait à 30'000 milliards de dollars. Celle de l'Union européenne était estimée à 13'720 milliards de dollars en 2010 et celle de la Chine à 40'000 milliards de dollars en 2021 (web). Les pays les moins avancés (PMA), soit les plus pauvres, ont, comme nous le verrons plus loin, une dette cumulée de... 50 milliards de dollars et ne parviennent pas à la rembourser essentiellement à cause des pratiques du monde de la finance mondiale. En contrepartie, à l'inverse des USA qui possède la planche à billet, la Chine, elle, détient la plus importante réserve de change au monde, d'environ 3'200 milliards de dollars, soit 19% de son PIB en 2021 contre 37 milliards seulement pour les USA. Et en 2021, l'épargne brute de la Chine correspondait à 45,7% de son PIB, d'après la Banque mondiale, contre seulement 17,4% pour les USA (web). On le voit, les pays occidentaux sont sous perfusion et les gouvernements actuels ne font rien pour endiguer le phénomène, bien au contraire. Les taux d'intérêts sont de nouveau à la hausse comme dans les années 1970 ou 1990, avec toutes les conséquences que l'on sait (web). Donc, au final, si les pays pauvres souffrent de leur endettement, il en est de même des pays riches qui à plus ou moins court terme vont connaître une crise financière comme le craint le FMI. Le plus malheureux, c'est qu'en une seule année, en une seule décision, les pays riches pourraient effacer la dette des PMA sans que cela ne se voit sur leur balance comptable. Ils ne le font pas tout justement pour maintenir les PMA sous pression, dans un état de pauvreté qui leur permet d'exploiter les ressources au moindre coût, tout l'opposé d'un win-win.
Une vision coloniale persistante
D'autre part, du temps des colonies, les Africains, tout comme les Asiatiques ou les Sud-Américains étaient perçu par "l'homme blanc" (ou le "Caucasien" type), comme des bons à rien, des fainéants, des incompétents, voire des sauvages, juste utiles à travailler sur les chantiers d'infrastructure, dans les mines ou les exploitations agricoles, sous payés, sous alimentés, maltraités, méprisés.
Aujourd'hui, on le voit avec l'émigration de masse, qu'elle soit sanitaire, de survie ou économique, rien n'a changé dans les faits ou presque. La montée des nationalismes et supra-nationalismes dans tous les pays de l'Empire (MAGA pro-Trump aux USA, pro-Bolsonaro au Brésil, Front National en France, Frère d'Italie en Italie, FPO en Autriche, UDC en Suisse, les Démocrates de Suède etc.) poursuivent cette vision de la suprématie de l'homme blanc, de sa supériorité intellectuelle, fondée essentiellement sur une inculture bête et méchante de ses partisans. Il a toujours été plus facile de cracher sur la différence plutôt que d'essayer de la comprendre ou de la connaître. Donc, au final, malgré le développement des démocraties et la libération des peuples colonisés, le rapport à l'Afrique, à l'Amérique latine ou à l'Asie n'a pas changé dans le fond pour une partie des Occidentaux, tout du moins.
Cette vision n'est pas uniquement frontale. Elle peut prendre des tournures indirectes, en particulier dans le monde diplomatique. Lorsque les ambassadeurs viennent présenter leur lettre de créance au Président du Cabo Verde, tous ont la même proposition: aider le pays à se développer dans tel ou tel domaine, prêts à débourser quelques centaines de milliers d'euros, voire millions pour des projets éducatifs, sociaux, sanitaires etc. Aucun ne demande au président ce dont il a besoin, ce qu'il veut. Il en va de même pour les autres pays d'Afrique. Qu'est-ce à dire? Politiquement et diplomatiquement, cela veut dire que les pays de l'Empire (ou récemment, les émergents) entendent soutenir en façade le développement des pays pauvres, en particulier d'Afrique, par charité et pour le bien de l'Humanité, mais dans les faits, ils ne visent qu'à donner une image favorable de leur politique extérieure et plus encore à financer leurs intérêts géopolitiques, tel que le système France-Afrique implanté par le Général de Gaulle et qui perdure encore aujourd'hui n'en déplaise à Macron. Sur le plan national, cela veut dire que le gouvernement de chaque pays de l'Empire (ou émergent) fait quelque chose pour le développement des pays pauvres en attribuant une partie infime de son budget pour la bonne cause, mais dans les faits, il n'aide que les pays pauvres présentant un intérêt pour leurs propres intérêts et ne leur accordent que des montants très faibles. Pire encore, les promesses mirobolantes faites durant les déplacements de chefs d'État sont sans suite et ne valent que par leur effet d'annonce. En finançant quelques projets de ci de là, à coup de centaines de milliers, voire de millions d'euros, les pays de l'Empire (ou émergents) ne font que se donner bonne conscience et offrir une image positive, mais les sommes engagées sont tellement dérisoires par rapport aux bénéfices engrangés depuis des dizaines d'années par le pillage systématique des ressources des pays d'Afrique que tout cela n'est qu'une mascarade à laquelle se prêtent volontiers les politiciens des pays africains (généralement placés par ces mêmes États occidentaux ou pays émergents) pour des raisons pas toujours avouables et légales, dirons-nous.
On peut donc facilement conclure que cette attitude s'avère être un pur mépris des pays pauvres de la part des pays riches (ou émergents), une forme de paternalisme à la sauce "Françafrique" de tonton François ou de tonton Jacques, que certains n'hésitent pas à définir comme du néo-colonialisme.
Démocratie vs néo-colonialisme: l'impasse occidentale
Or, problème, les pays riches (l'Empire, l'Occident, comme vous voulez) sont les garants de la Démocratie. D'où une situation des plus bancales et négatives tout simplement parce que les pays d'Occident ne veulent toujours pas accepter que les pays pauvres, en particulier d'Afrique, ne soient pas des pays d'ignorants et d'incapables, corvéables à merci, mais que les Africains sont leurs semblables, des humains doués des mêmes compétences et capacités qu'eux, voire qu'ils sont capables de se développer 10 fois plus vite que l'Europe ne l'a fait avec sa Révolution industrielle si on les soutient, en particulier en supprimant leur dette extérieure et en leur dévoilant quelques technologies. Aussi, le statu quo du tout croissance et de la suprématie néo-libérale de l'économie mondiale pilotée par l'Empire, pillant partout où c'est possible, gagne encore à court terme, mais à moyen et, pire, à long terme, elle connaîtra un échec et mat retentissant qui, s'il n'était qu'économique, ne poserait pas de problèmes. Or, il risque bien de mettre à genoux la Démocratie au niveau mondiale, entraînant ainsi la souffrance de milliards d'individus dans une sorte de retour au Moyen Âge de l'Humanité. C'est ce que tend à montrer la nouvelle coalition en cours Russie - Chine - Inde - Turquie - Arabie Saoudite - Afrique du Sud and Co (les BRICS) qui, ouvertement, veulent entrer en concurrence, si ce n'est en conflit, avec les pays riches.
À vouloir trop jouer à l'autruche, mal conseillé par des experts qui n'ont d'expert que la vue limité de l'argent roi, les dirigeants des pays occidentaux poursuivent depuis des décennies la politique de leurs prédécesseurs qui n'est autre que la poursuite du pillage des ressources du Sud, sans véritable contre-partie, sans véritable plan de développement utile et nécessaire, sans véritable humanité. Le tout croissance aveugle détruit la planète, tout autant que le tout néo-libéral détruit les pays pauvres en les asphyxiant avec la dette et les exploitants honteusement avec la commercialisation unilatérale de leurs matières premières. Comment accepter que le salaire annuel moyen soit de 65'000 dollars aux USA, 73'000 dollars en Suisse, mais de seulement de 5'800 dollars en Afrique du Sud ou de 2'000 dollars au Nigéria, soit la fourchette haute des salaires moyens en Afrique, voire de 800 dollars en Guinée-Bissau ou de 490 dollars au Mozambique? (web) Est-ce tolérable? Si oui, pour qui?
Du besoin express de développer l'industrie en Afrique
Or, ce dont ont besoin aujourd'hui l'Afrique, l'Asie ou l'Amérique du Sud, ce sont des aides fortes et massives dans le domaine de l'éducation, de la santé et de l'industrie comme le préconise étonnamment l'ONU par la voix de son secrétaire général António Guterres. Cet organisme supranational, d'habitude aligné sur la position de l'Empire et du Forum de Davos, prend depuis quelques temps, une voie divergente et beaucoup plus sociale, tournée réellement vers l'aide aux populations mondiales et non vers l'économie néo-libérale préconisé par le monde de la finance, la BM ou le FMI. La prise de conscience de l'ONU tient beaucoup à l'acceptation de la théorie du réchauffement climatique que seuls les imbéciles et les profiteurs égocentriques nient encore aujourd'hui, mais pas seulement. Aussi, le 4 mars 2023, Antònio Guterres dénonçait "les taux de prédateurs appliqués aux pays pauvres" à l'occasion du sommet des Pays les moins avancés (PMA, soit 33 pays d'Afrique, 12 pays d'Asie-Pacifique et d'Haïti) qui se tenait au Qatar. Ses propos sont clairs et sans équivoque: "notre système financier mondiale a été conçu par les pays riches, largement à leur profit. Privés de liquidités, beaucoup d'entre vous sont écartés des marchés de capitaux par des taux d'intérêt de prédateurs!" (web) Dans les faits, la dette des PMA a plus que quadruplé en 10 ans pour atteindre, comme on l'a vu, 50 milliards de dollars en 2021. Plus encore, Anónio Guterres assène sans peur que "les pays riches n'ont pas tenu leurs promesses de donner entre 0.15 et 0.20% de leur PIB aux PMA, coincés dans la parfaite tempête pour perpétuer la pauvreté et l'injustice". Ce pourquoi, pour les PMA, il réclame aux pays riche une aide annuelle de... 500 milliards de dollars , afin que ceux-ci puissent réformer leur économie et remettre à flot leurs systèmes de santé et d'éducation.
Les colonisateurs patriarches en mal de renouveau
Donc, lorsque le président français, Emmanuel Macron, visite le Gabon, l'Angola, le Congo-Brazzaville ou la République démocratique du Congo (RDC) en un voyage marathon (web), c'est toujours un rapport colonial déguisé qui prévaut. La France vient chercher des soutiens dans la lutte de pouvoir entre l'Empire et les régimes émergents et généralement autoritaires que sont les BRICS, et que suivent sans hésiter des pays comme le Mali ou le Burkina-Faso (web), des anciens "partenaires" de la France. Mais, le paternalisme occidental, en particulier français et américain, ne passe plus, surtout auprès de la jeunesse! Avec le Commonwealth, les Britanniques s'en sortent relativement mieux mais non sans concessions.
En fait, l'ancien pays colonisateur qui a le mieux compris la situation géopolitique actuelle n'est autre que le Portugal qui défend une politique d'ouverture (comme on va le voir) et de développement pour ses anciennes colonies, réunies depuis 1996, sous l'appellation de Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), similaire à la Francophonie, mais l'arrogance du colonisateur "patriarche" en moins. Dans la CPLP, le Portugal est certes le pays le plus riche, le plus avancé technologiquement, le plus démocratique, mais il ne rejette pas les autres comme inférieurs. Non seulement, il appuie et soutient les autres membres que sont le Brésil, l'Angola, la Guinée-Bissau, le Cabo Verde, le Mozambique, São-Tomé-e-Príncipe, et depuis son indépendance, en 2002, le Timor-Oriental, mais reconnaît leurs cultures, leurs langues, leurs particularismes.
Pour comprendre cela, prenons simplement les prix littéraires. En France, à quelques très rares exceptions près, le prix Goncourt, plus importante distinction littéraire du pays, ne considère que des auteurs français, car pour lui, tout comme pour l'Académie, la langue française est celle parlée en France. Point! Depuis, 1903, le Goncourt a donc été décerné à trois Belges (Charles Plisnier en 1937, Francis Walder en 1956, François Weyergans en 2005), un Suisse (Jacques Chessex en 1973), un Canadien (Antonine Maillet en 1979), deux Marocains (Tahar Ben Jelloun en 1987 et Leïla Slimani en 2016), un Libanais (Amin Maalouf en 1993) et un Sénégalais (Mohamed Mbougar Sarr en 2021). Autrement dit sur près de 120 lauréats, 9 seulement sont étrangers, contre 13 femmes. Misogynes et racistes l'Académie Goncourt? (web) Quoi qu'il en soit, cela confirme l'idée que le français hors de France n'est pas pur, pas bon ou pas aussi prestigieux que celui utilisé dans l'Hexagone. Il n'a pas sa place dans la littérature "française" (qui normalement devrait être "celle écrite en français"). Et cette position met donc au ban des dizaines de littérature mondiale, sous prétexte, qu'elles ne sont pas qualitativement valables, que ce soit la canadienne, l'égyptienne, la sénégalaise, la suisse ou la malgache. Ce qui est une aberration et plus encore, ce qui suscite à juste titre l'ire des 52 autres États membres de la Francophonie, car par là, la France montre son mépris de ses partenaires. Elle est une fois de plus condescendante et paternaliste.
Pour le Portugal, il en va tout autrement. Le prix Camoës est remis chaque année, depuis 1989, à des auteurs membres de la CPLP. Si le Portugal et le Brésil dominent, les auteur(e)s de l'Angola, du Mozambique ou du Cabo-Verde ne sont pas oubliés.
Comme l'écrit si bien Morgane Le Cam dans son article "Burkina Faso: aux racines du ressentiment contre la France (Le monde, 07/02/2023 - web), la France irrite une frange grandissante de l'opinion publique par "trop d'ingérence dans le fond, trop d'arrogance dans la forme".
France et USA, voire UE, ne cherchent pas à favoriser le développement et l'indépendance véritable des PMA (pour qu'ils atteignent enfin l'âge adulte et la liberté d'agir pleinement selon leurs envies et leurs besoins). Non! France et USA, voire UE, veulent être encore et toujours les tuteurs des PMA afin de pouvoir maintenir leur pouvoir et diriger le monde, comme ils le font depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et les Trente glorieuses. Problème: les pays émergents sont aujourd'hui, en ce premier quart du XXIe siècle, suffisamment riches et développés pour dire "Ca suffit!" et embarquer avec eux, toujours plus de PMA qui souhaitent un nouveau mode de gouvernance mondiale, comme l'a très bien compris l'ONU et son secrétaire général António Guterres.
Aussi, soutenir les PMA, les stabiliser, les renforcer, c'est renforcer l'équilibre mondial et la paix. Poursuivre le néo-libéralisme occidental à outrance, d'autant plus avec la crise majeure du réchauffement climatique, c'est provoquer l'instabilité mondiale et engendrer la destruction par la mise en place de systèmes autoritaires ou dictatoriaux, souvent en parallèle de systèmes religieux extrêmes, et par le développement toujours croissants de conflits militaires ou de guerres civiles. La pauvreté et le manque d'éducation sont les premières causes de ces maux. Les groupes terroristes sont la face visible et nuisible de l'iceberg, mais sous la surface gronde la colère et la soif de renverser le système, comprendre l'Empire. Qu'on se souvienne. La Révolution française, si importante dans l'histoire mondiale par son renversement d'un système monarchique absolu, n'étaient autre qu'une révolte du peuple qui n'en pouvait plus de crever la faim et de souffrir pour que la Reine redécore son chez soi ou s'achète de nouveaux bijoux ou que le Roi fasse des guerres de ci de là, suivant ses idées du moment. Ce qui couve en Afrique, tout autant qu'en Amérique latine ou en Asie, n'est rien d'autre. La souffrance est la même (extrême pauvreté, absence d'avenir, condition de vie indécente...). Et puisque le ras-le-bol est le même, la réponse sera la même! Les USA et l'UE pourront rétorquer "Mais nous on a les armes!", on les renverra à leur Histoire, à l'Indochine-Vietnam, à l'Afghanistan, à l'Algérie, au Cabo-Verde/Guinée-Bissau... Ils avaient les armes, mais ont-ils gagné pour autant?
C'est pourquoi la démocratie libérale occidentale est mise à mal par les régimes autoritaires ou dictatoriaux désireux de favoriser une classe dominante riche au détriment du reste de la population pauvre suivant la théorie de l'Élite du pouvoir (1969) de C. Wright Mills et plus encore celle d'Edward L. Bernays, avec son Propaganda publié en 1928 et tant admiré de Donald Trump et consorts.
Afrique, une exploitation injuste qui perdure
L'Afrique d'aujourd'hui est certes très très pauvre d'un point de vue économique, mais elle est excessivement riche en matières premières et en main-d'oeuvre disponible. Elle est surendettée et ne dispose pas des industries et des technologies que l'on trouve en Occident tout simplement parce que ce même Occident fait tout pour que l'Afrique ne les développe pas. C'est le but mêmes des multinationales, quasiment toutes aux mains d'Occidentaux, nourrissant les fonds de pension d'Occidentaux. Or, et c'est ce qui est le plus choquant, l'essentiel des ressources de matières premières sont exploitées en Afrique. Si on développait l'industrie sur le continent africain, les multinationales vampires n'auraient plus lieu d'être. Certes, l'Empire y perdrait des plumes économiquement parlant, mais l'équilibre serait renforcé et l'écart pays riches - pays pauvres tendrait à s'affaiblir, entraînant avec lui une plus grande stabilité politique et la prospérité des peuples. A-t-on besoin d'un nouveau téléphone dernier cri chaque année ou d'une télévision dans chaque pièce de la maison?
Prenons un exemple pour mieux illustrer cela. Les meubles vendus en Afrique aujourd'hui sont pour l'essentiel fabriqués en Chine ou en Asie du Sud-Est, mais avec... du bois africain, et transitent généralement par le Moyen-Orient, Dubai and Co. Un total contresens. De même, les minerais. Le cuivre, l'uranium, l'or, les diamants sortent du sol africain pour être commercialisés par qui? Par l'Occident et depuis peu, il est vrai, par la Chine ou l'Inde qui conquièrent toujours plus de parts de marché. Avec quels bénéfices pour les pays propriétaires des sols? Rien ou presque. Une route par ci, un hôpital par là, en plus, bien entendu, d'une classe dirigeante toujours plus riche.
Comment expliquer que le Nigéria, pays le plus peuplé d'Afrique, 1e puissance économique africaine (en 2017), 27e PIB mondial et très riche en pétrole (90% des exportations, 35% du PIB), comporte le plus grand nombre d'enfants non scolarisés au monde (8.7 millions d’enfants d'après l'UNESCO)?
De même pour la RDC, avec son pétrole, son bois, son caoutchouc, son café, son cuivre, son cobalt, ses diamants ou ses 10% de réserve mondiale d'or. Ultra riches en ressources, la population est ultra-pauvre et la guerre se perpétue d'année en année, parfois larvée (comme aujourd'hui avec le Rwanda ou les groupes terroristes), parfois concrète (comme en 1998-2002). C'est pourtant le troisième pays le plus peuplé d'Afrique, derrière le Nigéria et l'Éthiopie, et le pays francophone le plus peuplé. Et qu'à fait la France ou l'Empire pour aider le pays à sortir de la crise qui le secoue depuis l'indépendance en 1960? Rien, si ce n'est soutenir la dictature Kabila, une des plus rigides et sanguinaires, puiser dans les ressources sans contrepartie ou presque, et critiquer, en 2019, l'élection du dernier président Félix Tshisekedi (soutenu par Kabila, mais afin de favoriser la transition) en parlant de "compromis à l'africaine" par l'entremise de l'ancien ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Tshisekedi l'a d'ailleurs très bien dénoncé en répondant à Emmanuel Macron lors de sa visite début mars 2023: "quand il y a des irrégularités [dans des élections en Occident], on ne parle pas de compromis à l'américaine, à la française!". Plus encore, il offre, également, la conclusion à ce chapitre. Les Africains, mais aussi tous les PMA, veulent simplement que l'Occident change de politique à leur égard. "Regardez-nous autrement, dit Tshisekedi, en nous respectant, en nous considérant comme de vrais partenaires et non pas toujours avec un regard paternaliste, avec l'idée toujours de savoir ce qu'il faut pour nous!"
On ne change pas le Cabo Verde!
Pour l'anecdote, cette proposition entre chefs d'État, donc entre puissants de ce monde, se retrouve dans la pensée commune, celle du peuple, chez les "petites gens" dont nous faisons partis. Lorsque nous sommes arrivés au Cabo Verde, l'une des premières choses qu'on nous a dite, tout en nous accueillant chaleureusement, c'était qu'on ne change pas le Cabo Verde. Qu'est-ce à dire? Il a fallu un peu de temps pour l'Occidental et l'entrepreneur que nous étions pour comprendre ce que les habitants voulaient nous expliquer. "On ne change pas le Cabo Verde" signifie simplement que ce n'est pas parce qu'on a des idées d'amélioration de gestion, de production, de création issues de nos connaissances avancées d'Occidentaux que les Cabo-verdiens en ont besoin. Peut-être que nos techniques et nos connaissances sont plus performantes. Peut-être qu'elles sont applicables et amélioreraient les choses économiquement parlant. Mais les Cabo-verdiens ne nous ont rien demandé. Leur pays leur appartient et leur manière de faire, d'entreprendre, de produire, de gérer, de créer leur appartient. Libre à eux de faire comme ils l'entendent et tant pis si c'est moins bien que ce qu'on fait en Europe ou aux USA. Venez chez nous, aidez nous lorsqu'on vous le demande, mais pour le reste ne nous imposez rien que nous ne voulions et respectez notre mode de vie et nos habitudes, tel est le credo. À la question "qui a raison de l'Occidental ou du Cabo-verdien?", avec le temps, on découvre que ce n'est pas l'Occidental. Et c'est, de loin, ce qui est le plus difficile, car "on sait" que telle ou telle technique ou méthode démultiplierait positivement les résultats et "on voudrait" que les Cabo-verdiens en profitent et se développent. Mais c'est la NOTRE vision du monde. Cette connaissance et ce désir ne sont pas forcément ceux dont ont besoin les Cabo-verdiens ni ce qu'ils désirent pour leur pays et leur futur. C'est exactement ça que veut dire Tshisekedi et que refuse de comprendre les gouvernements occidentaux d'hier et d'aujourd'hui. L'Afrique ou les pays pauvres ne sont qu'un MOYEN pour eux de mettre en place leur géopolitique. Aujourd'hui l'Afrique ou les pays pauvres disent STOP! Votre vision, votre géopolitique ne nous intéressent pas. Acceptez-le ou payez-en les conséquences!
L'attirance de la Chine
Quoi qu'il en soit, Lieve Joris, dans sa nouvelle "Afrique et Asie: l'histoire d'une rencontre" décrit très bien la situation actuelle qui devrait faire basculer le monde d'ici la fin du siècle. Alors que l'Empire opère toujours comme les colonisateurs d'un autre temps, à coup de financements sans suite (plus le montant est élevé, moins la population en voit le bénéfice), la Chine et le Moyen-Orient, qui malheureusement ignorent volontairement le système démocratique, lui préférant l'autoritarisme outrancier, n'en sont pas moins actifs. Ils possèdent à eux deux argent et technologie. Joris écrit simplement "Autrefois, au mot usine, les Africains pensaient tout de suite à des grosses machines allemandes autour desquelles il fallait construire un bâtiment de trois étages. Actuellement, pour 5'000 euros, tu peux acheter une petit unité industrielle et assembler dans ton salon des téléphones mobiles, ou fabriquer du dentifrice, du jus de fruits ou des canettes de soda. La Chine a démocratisé l'industrie pour nous".
Le message est-il assez clair?
Le regard inchangé de l'Occident sur l'Afrique
L'Europe et les États-Unis ne voient en l'Afrique qu'un continent à exploiter, dirigé par des agents gouvernementaux corrompus et facilement manipulables. Tous les articles sur les visites occidentales actuelles en Afrique le montre. Depuis la colonisation, rien n'a changé dans le rapport pays riches - pays pauvres, si ce n'est que les pays pauvres ont accédé à l'Indépendance. La vision des dirigeants occidentaux est totalement passéiste et souvent raciste, faisant de l'Africain un simple qu'il faut aider à éduquer, à soigner, à nourrir. Inutile de développer industrie et technologie. Pire, cela serait contraire aux intérêts économiques des Occidentaux. Aveugles nous disions? Oui, totalement et ces dirigeants continuent à venir en Afrique pour des visites officielles toujours ficelées de la même manière, avec leurs chefs d'entreprises, leurs chèques plus ou moins en bois, leurs belles promesses médiatiques.
Qu'on repense à la belle promesse de financement de la Grande Muraille verte, cette barrière étalée sur 12 pays du Sahel à la corne de l'Afrique (8'000 km de long sur 15 km de large), qui devait traverser le continent africain d'est en ouest, pour limiter la désertification d'ici à 2030. Sur les 100 millions d'hectares à reboiser ou planter de végétation, seul 4% ont été fait en 14 ans. Malgré les promesses, seul 1 milliard de dollars a été investi par les pays riches sur les 44 nécessaires pour porter à bien le projet. Un rapport du GIEC de 2020 énonçait une vérité valable pour nombre de projets occidentaux dans les pays pauvres: "Par le passé, des programmes de reforestation au Sahel et en Afrique du Nord lancés pour lutter contre la désertification ont été mal pensés et ont coûté beaucoup d'argent sans résultat significatif", avant de conclure pour la Grande Muraille verte: "malgré les premières actions concrètes sur le terrain, la réussite des objectifs est incertaine et sera difficile sans financement supplémentaire significatif" (web). Or, en 2022, Macron annonçait un re-lancement du projet de la Grande Muraille verte avec un financement de 19 milliards (pas nouveau, mais déjà programmés soit dit en passant) et Nature sustainability publiait une nouvelle étude qui affirme que "chaque dollar investi rapportera 1, 20 dollars", ce qui aurait dû attirer les investisseurs (web). Mais c'est probablement là encore un de ces projets gigantesques de l'Empire qui n'aboutira pas (web) et dont l'argent, pour peu qu'il arrive, sera dépensé à d'autres tâches. Or, ces 44 milliards seraient bien mieux utilisés ailleurs, pour des projets de plus petites envergures et mieux ciblés. Encore une fois, l'Occident veut faire à sa manière et n'écoute pas les requêtes ni n'étudie les besoins prioritaires des populations concernées.
Plus encore, il faut bien comprendre que les Africains ne sont plus les "paysans" d'entant, encore moins les "sauvages" qu'ils n'ont jamais été que dans l'imaginaire des missionnaires et des colons. Ils sont redevenus libres et ont étudié (du moins une partie importante d'entre eux). Aussi, aujourd'hui, ils parcourent le monde et entretiennent de plus en plus de relations économiques et politiques avec d'autres pays dits "pauvres" ou émergents, tels la Chine, l'Arabie Saoudite, l'Inde, le Qatar, l'Afrique du Sud, la Turquie, etc. Et de plus en plus, naturellement, ils s'aperçoivent de la supercherie occidentale qui leur veut du bien en apparence, mais ne fait rien pour eux, en réalité, ou si peu.
Aussi, lorsque les pays occidentaux demandent le soutien auprès de l'ONU ou devant une crise mondiale telle que la guerre en Ukraine, les pays africains font la sourde oreille ou tourne le dos vers... la Chine ou la Russie. Ô grand Dieu! Pauvre Démocratie. Mais ont-ils torts? Si l'on considère ce qui vient d'être énoncé, non! La faute est essentiellement due à l'Occident si riche et si avare, ses multinationales et ses investisseurs racistes, ringards et égoïstes (car ils le sont pour de vrai).
Le jour où les pays africains comprendront que leur intérêt premier est de développer l'industrie et d'exploiter eux-mêmes leurs ressources premières (minerais, bois, agriculture...) et non pas d'enrichir leur classe dirigeante ou "l'élite", alors le monde changera. Ce n'est qu'une question de temps. Les technologies sont là. L'argent ira où se porte son intérêt.
Reste que si l'Occident participe à ce développement, alors les pays africains soutiendront la Démocratie, car cela ira de leur intérêt. Mais si l'Empire poursuit sa politique de mépris ou de paternalisme aveugle, les pays africains adopteront d'autres systèmes de gestions politiques et provoqueront la chute de l'Empire, et avec elle, l'effondrement du modèle de démocratie libérale.
Une démographie galopante
Comment me direz-vous? Il suffit de regarder la courbe démographique mondiale. On nous prédit 9,6 milliards d'individus sur Terre d'ici 2050 (web). Soit, si cela peut faire plaisir aux statisticiens. Mais la réalité semble aller dans un tout autre sens ou du moins, cela sera un pic ultime avant l'effondrement, car la quasi totalité des pays occidentaux ont un taux de natalité en berne (voir carte ci-dessous), de même que les pays émergents ou en voix de développement tels que la Chine, la Russie, le Brésil. Aussi, on prédit que d'ici à 2100, la population chinoise aura diminué de moitié. Pourquoi? En particulier parce que les femmes, aujourd'hui, ne veulent plus se marier ni avoir d'enfants. Solution? "Vive le patriarcat", qu'il faut maintenir pour sauver le monde et responsabiliser les femmes en leur faisant accepter de perpétuer la tradition esclavagiste de "mère au foyer" pour le bien du pays! Enfin pour les dirigeants et les barbus, pas pour nous.
En fait, seuls les pays africains ont un taux de natalité plein de vitalité. Qu'est-ce à dire? Eh bien que d'ici deux ou trois générations, la population des pays occidentaux et émergents ne sera plus du tout en mesure de perpétuer l'espèce locale pas plus que celle de payer les retraites. Donc, crise économique majeure annoncée et effondrement de tout un système qui ne pourra plus fonctionner.
Certains pays commencent déjà à tout miser sur la technologie pour s'en sortir. Au Japon, outre le travail des seniors toujours plus vieux, on prévoit de remplacer les travailleurs par des robots, tellement plus chaleureux, n'est-il pas?
Musulmans vs le reste du monde
Le Portugal dont le taux de natalité est le plus bas d'Europe espère, lui, trouver une solution à travers la CPLP, ses anciennes colonies. Ainsi, depuis cette semaine, tout citoyen de la CPLP peut voyager plus facilement au Portugal (web). Quid de l'espace Shengen! Ce n'est pas parce que le gouvernement portugais est pro-immigrés et favorise le social, mais simplement parce que la population immigrée qui viendra immanquablement s'installer au Portugal pour y travailler pourra s'intégrer rapidement, grâce à sa maîtrise déjà effective de la langue et d'une bonne partie de la culture portugaise.
Dans le même ordre d'idée, les réfugiés ukrainiens. Pourquoi l'UE a-t-elle si facilement soutenu les immigrés de la guerre en Ukraine au détriment de ceux du Moyen-Orient ou du Maghreb? Parce que les Ukrainiens sont des chrétiens, orthodoxes, mais chrétiens. Ce ne sont pas des musulmans. Qu'on s'entende bien, il ne s'agit pas de racisme, mais simplement d'intégration. Nous sommes totalement pour l'œcuménisme et la tolérance. Sur le modèle de la Constitution universelle des droits de l'Homme, la législation française édicte clairement la situation. La loi de 1905 dans son article 1er reconnaît la liberté religieuse: "La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public". En d'autres mots: "Sont ainsi garanties la liberté de conscience et la liberté de manifester son appartenance religieuse. La liberté religieuse suppose la liberté pour chacun d’exprimer sa religion, celle de la pratiquer et celle de l’abandonner, dans le respect de l’ordre public. Pour l’État et les services publics, ceci implique la neutralité face à toutes les religions et à toutes les croyances. L’État se doit de rendre possible l’exercice et la pratique de tous les cultes." (web)
Les musulmans ne sont pas les seuls conservateurs qui s'opposent à la vision de l'Occident. Nous l'avons écrit il y a 2 ans de cela, le monde change considérablement, en particulier au niveau social. L'ère du patriarcat et de la famille touche à sa fin (en tout cas dans le monde occidental). Mais le monde musulman, qui n'a pas fait la scission entre politique et religion, refuse cette évolution et ce changement. Les idéologues barbus veulent conserver leur pouvoir (l'Iran en fait une magnifique démonstration actuellement, de même que la Turquie) et leur domination sur les femmes et les enfants. Aussi la majorité des musulmans ne peut s'intégrer véritablement dans un état occidental laïc tel que celui promu par l'Empire. Elle finira, d'une manière ou d'une autre, par opposer, de part sa culture religieuse propre, une résistance plus ou moins importante, comme le montre les exemples, en France, du port du voile, de la burqa ou du burkini dans les piscines. Les Juifs sont tout aussi conservateurs, mais leur faible nombre fait qu'ils ne pose pas de problèmes majeur d'intégration dans l'Occident, vivant sous forme de diaspora, tout comme les Arméniens ou des Cabo-verdiens.
Qu'on se comprenne bien. L'idée n'est pas que le monde musulman ne peut pas être démocratique. L'Egypte des années 1960 l'a été. Les cheveux longs et les mini-jupes dans les rues ne posaient aucun problème jusqu'à ce que la CIA et le gouvernement américain soutiennent l'accession au pouvoir des salafistes afin de lutter contre les socialistes. Dès lors, les chefs religieux au pouvoir ont durci les lois en faveur des hommes et au détriment des femmes jusqu'à la situation actuelle où la liberté de ces dernières est extrêmement précaire. Le Sénégal l'est encore, même si la dernière présidence tant à rompre l'équilibre par des emprisonnements toujours plus nombreux et non justifiés des opposants. Donc on le voit bien, le problème du monde musulman tient essentiellement au lien entre politique et religion tellement lié qu'il peut être dévoyé par les chefs religieux. Plus le monde change (et vite), plus la résistance est forte! D'où la montée des intégrismes. Si les soufis bien que musulmans sont tolérants et ouverts sur le monde, la tendance et la majorité de la culture musulmane est aujourd'hui le sunnisme, promu par l'Arabie Saoudite qui est tout l'opposé d'une démocratie, pire c'est elle qui finance l'essentiel du terrorisme musulman mondial.
Aussi, pour en revenir aux Ukrainiens, la préfecture de Haute-Savoie, en France, a régularisé en urgence, l'année dernière, plus de 3'500 de réfugiés d'Ukraine, leur accordant également un accès prioritaire aux logements sociaux, au détriment de tous les autres réfugiés, légaux ou illégaux. Ainsi, Afghans, Érythréens, Syriens et consorts, connaissant les mêmes problèmes de guerre et de violences dans leur pays que les Ukrainiens, ont été simplement mis "en attente" (entre 10 et 12 mois de retard d'après les agents de la préfecture), sans savoir pourquoi une telle priorité était donnée aux Ukrainiens. La réponse est simple: ils sont européens et chrétiens. D'où leurs privilèges.
On peut donc dire que pour favoriser la paix sociale, l'Europe, tout autant que les USA - Canada ou encore l'Australie ont tout intérêt, à soutenir une immigration, même économique, chrétienne ou suivant les religions asiatiques (hindouistes, shintoïste, confucianiste, zen...), plutôt que musulmane, non pas par racisme, les démocraties rejettent facilement le racisme comme impropre à leur bon fonctionnement, mais par peur de l'instabilité que cette dernière peut (et est en train) de provoquer.
Ceci, bien entendu, renforce le clivage Occident - Moyen-Orient et nourrit, paradoxalement, les mouvements politiques d'extrême droite en Europe. La France avec son passé colonial fortement ancré dans les pays musulmans d'Afrique (du Magrheb tout autant que de l'Afrique sub-saharienne), l'Allemagne avec la Turquie et le Kosovo, l'Italie avec la Somalie etc., voient leur tâche se compliquer. Ils ne sont pas les seuls. Le Nigéria, pays le plus peuplé d'Afrique, est également sur le point de connaître une lutte religieuse, si ce n'est une guerre civile qui pourrait éclater dans les prochaines décennies. Pourquoi? Parce que le pays à majorité chrétien (46,2% contre 45,8% de musulmans à tendance sunnites, donc dans la mouvance conservatrice de l'Arabie Saoudite) entre depuis quelques années dans une tentative de transformation radicale de la société par les musulmans. Lors des élections de cette année, Bola Tinubu a été élu président de la République (bien que ses opposants contestent encore les résultats). C'est un élu de confession musulmane. Or, la tradition veut que, dans ce cas, un vice-président chrétien soit choisi pour équilibrer la balance. Mais Tinubu a décidé de proposer Kashim Shetima, un autre musulman, provoquant immédiatement la colère des chrétiens et donc renforçant l'instabilité du pays. De plus, comme le dénonce l'archevêque de Kaduna, Matthew Man-Ndagosso, la "sharia" islamique est appliquée dans 12 des 20 états septentrionaux du pays (soit le Nord), où les chrétiens sont systématiquement persécutés. Plus encore, les subventions ne sont disponibles que pour construire des mosquées et non pour des églises (web). La situation devient très instable, pour ne pas dire dangereuse, et une nouvelle guerre de religion meurtrière pourrait bientôt ensanglanter le Nigéria. On l'oublie trop souvent, et les Occidentaux d'extrême-droite un peu trop, une bonne partie de l'Afrique noire est d'obédience musulmane. Lorsque les électeurs du Front National (renommé Rassemblement national en 2018 pour faire plus propre et caché la xénophobie et le fascisme qui le préside) fustigent les "Arabes" (cause première pas toujours avouée de leur soutien au candidat d'extrême droite), ils ont bien souvent du mal à préciser ce qu'il entendent par "Arabes", qu'ils confondent généralement rapidement avec "musulmans". Or, tous les Arabes, peuples allant du Maghreb à l'Asie mineure, en passant par le Moyen-Orient, ne sont pas tous musulmans et ils existent différentes mouvances dans la religion musulmane (sunnisme, chiisme ou soufisme). De même, tous les musulmans ne sont pas forcément arabes. L'Afrique sub-saharienne comprend nombre de pays musulmans, de même que l'Asie mineure et du Sud-Est. Ainsi, en 2020, l'Indonésie est le pays qui comptent le plus de musulmans, devant l'Inde et le Pakistan. Et, l'influence de l'islam varie d'un continent à l'autre. Même si sunnite, l'islam de l'Asie du Sud-Est "colore" les États-Nations (pour reprendre les termes de François Raillon), sans en faire des états islamiques comme dans les pays du Golfe. (web)
Population musulmane par continent (web)
La Démocratie en péril
Quoi qu'il en soit, faute d'un changement radicale de politique en faveur d'un développement des industries et des technologies, et une diminution conséquente de la pauvreté au sein même des pays africains, considérant la perte démographique vertigineuse qui s'amorce, on peut dire que la démocratie libérale est en perte de vitesse et pourrait bien disparaître d'ici la fin du siècle!
La solution existe pourtant. Les pays africains sont preneurs. Les peuples africains plus encore, car contrairement à ce que pense les Occidentaux, il n'y a aucun plaisir à quitter son pays, sa famille, sa culture, ses habitudes alimentaires, son climat pour se retrouver dans un pays où tout diffère, où on ne veut pas de vous, où on vous méprise directement (racisme pur) ou indirectement (délit de faciès, rejet de CV pour un nom ou une couleur de peau, etc.), tout cela pour espérer gagner de quoi vivre et faire vivre sa famille au pays. En fait, la majeure partie des immigrés économiques le font faute de choix, non pas pour prendre la place du plombier français, ni de la secrétaire luxembourgeoise, mais parce qu'il n'y a pas d'alternatives au pays, où souvent le pourcentage de jeunes est rarement inférieur à 50% de la population.
Nous avons proposé une mappe-monde du taux de natalité démographique. Pour illustrer notre propos, il n'est pas inintéressant de la confronter à une mappe-monde de l'indice de satisfaction de la vie et plus encore à celle du taux d'alphabétisation (voir ci-dessous). Le constat est édifiant. Le continent africain est à la traîne et pourtant il est celui qui a le plus de jeunes. Autrement dit, une situation explosive.
Il n'est pas tout de diffuser la culture américaine (ou occidentale) dans le monde entier, il faut aussi que cette culture soit accessible dans le monde entier. Or, les Africains en sont les premiers rejetés. Ils ne peuvent, faute d'emploi ou de salaire suffisant, atteindre le rêve occidental promu sur l'internet, la télévision, les réseaux sociaux. Que doivent-ils faire? Ils veulent aussi leur part du rêve. Ils peuvent l'inventer un peu par eux-mêmes, mais si les pays riches ne financent pas des solutions qui permettent aux PMA (et en particulier en Afrique) d'atteindre un certain niveau de vie, alors nul doute que la jeunesse des PMA, très nombreuse, finira par se révolter. Certains l'ont déjà fait en rejoignant des groupes terroristes qui pullulent en Afrique (djihadistes ou anciennes milices para-militaires), d'autres des gangs comme les area boys de Lagos, au Nigeria, qui sèment la terreur et font la loi dans la capitale, n'attendant rien de la vie que ce qu'elle offre au jour le jour.
Conclusion
Aussi, et pour conclure, aux politiciens occidentaux d'enfin ouvrir les yeux, d'essayer de percevoir le monde différemment, d'oublier la croissance à tout prix, de penser un peu aux générations futures et moins à leur ventre ou leurs comptes en banque. Développer l'Afrique, on l'a dit, ce n'est pas juste donner 5 ou 10 millions pour construire une route ou développer un centre de santé comme l'a fait encore Macron lors de sa visite éclaire de mars 2023 ou les ambassadeurs venus présenter leurs cartes d'accréditation au président du Cabo Verde. Développer l'Afrique, aujourd'hui, c'est développer concrètement l'industrie et la technologie sur le continent, à travers des projets adaptés et réfléchis, loin des multinationales (qui, nous l'avons déjà écrit, ne devraient pas exister, en tout cas sous leur forme actuelle). Car les plus riches peuvent continuer à s'engraisser (malgré le Covid-19 et la guerre en Ukraine, les plus riches n'ont jamais été aussi riches, et inversement), mais tôt ou tard, la balance basculera de l'autre côté, à l'image de 1789, et alors, il sera trop tard pour changer la donne. Les têtes seront coupées et la Terreur ravageuse suivra!
Aujourd'hui plus que jamais la diversité et le patchwork identitaire doit prévaloir. Comme le dit l'adage: il faut de tout pour faire un monde. Á trop vouloir niveler par le bas les particularités de chaque peuple pour obtenir le ppdc, on finit par perdre de vue l'essentiel. C'est la diversité qui meut l'Humanité, non l'inverse!
Christophe Chazalon / Genève, le 09/03/2023
revu et corrigé le 11/03/2023
Taux de naissance par pays (2017 - web)
Taux d'alphabétisation par pays (2013 - web)
Le Cabo-Verde, un pays sans bonheur? (2023)
Eh oui, le Cabo Verde est le pays du "NO STRESS", n'importe quel touriste en fait l'expérience à son arrivée dans l'archipel. Mais qu'en est-il du bonheur?
Le Gouvernement MpD d'Ulisses Correia e Silva s'enorgueillit à chaque fois qu'il le peut du bon classement du Cabo Verde dans tous les sondages internationaux possibles et imaginables. Ok, même si nombre d'entre eux sont à prendre avec des pincettes tant ils sont lacunaires ou faibles sur le point de la méthodologie.
Mais le "bonheur", c'est un classement sérieux, un classement des Nations Unies, de l'ONU, même si ce sont des experts indépendants qui le rédigent. Et là.... ben pas de Cabo Verde.
Cherchez l'erreur!
En fait pour les pays lusophones et pour l'Afrique on trouve, sur les 137 pays étudiés:
- 049 - Brazil
- 056 - Portugal
- 059 - Mauritius
- 081 - Algeria*
- 085 - South Africa*
- 086 - Congo, Republic of
- 091 - Guinea
- 093 - Ivory Coast
- 094 - Gabon
- 095 - Nigeria*
- 096 - Cameroon
- 097 - Mozambique
- 100 - Morocco
- 102 - Senegal
- 103 - Mauritania
- 104 - Burkina Faso*
- 105 - Namibia
- 107 - Ghana
- 109 - Niger
- 110 - Tunisia
- 111 - Kenya
- 113 - Uganda
- 114 - Chad
- 116 - Benin
- 119 - Gambia
- 120 - Mali
- 121 - Egypt
- 122 - Togo
- 124 - Ehiopia
- 125 - Liberia
- 127 - Madagascar
- 128 - Zambia*
- 129 - Tanzania
- 130 - Comoros
- 131 - Malawi
- 132 - Bostwana
- 133 - Congo, Democratic Republic of
- 134 - Zimbabwe
- 135 - Sierra Leone
- notes: "Those with a * do not have survey information in 2022. Their averages are based on the 2020 and 2021 surveys"
Donc, grosso modo, le "Bonheur", il n'est pas en Afrique pour les professeurs américains auteurs de l'étude, il y aurait même incompatibilité. Le "Bonheur", c'est l'apanage de l'Empire (EU, Australie, Nouvelle-Zélande, Japon, Singapour, Taïwan, Israël, USA / Costa Rica, Canada, l'Uruguay, Chili, Mexique, Panama...) et les très riches pays du Golfe, tous autoritaires ou dictatoriaux, comme quoi! Il est vrai qu'en Afrique l'entraide n'existe pas, pas plus que le communautarisme. LOL!
Et on est quand même très étonné de voir que le Nicaragua se classe 40e ou le Kazakhstan 44e, considérant la situation politique de ces pays.
Les pays lusophones apparaissent comme des élèves moyens, du moins le Brésil (49e) qui devance le Portugal (56e) et le Mozambique (97e), pays extrêmement pauvre, où, semble-t-il on est quand même heureux. Étonnamment, l'Angola qui figure dans un graphique p. 109 du rapport, n'apparaît pas dans le classement. L'île Maurice (59e) est le premier pays d'Afrique classé et le Cabo Verde, lui, n'existe pas alors qu'il est "le modèle de démocratie en Afrique" pour l'ONU et ses filiales. Un mystère! Les îles de São-Tomé-e-Principe ou le Timor oriental, ou encore la Guinée-Bissau, autres pays lusophones, ne figurent pas non plus dans le classement. Il semblerait qu'ils ne sachent pas produire de statistiques, pas assez évolués ou fiables pour les chercheurs universitaires ou alors les dits chercheurs ne maîtrise pas le portugais et préfèrent se cantonner à l'anglais et le français, voire l'espagnol (ce qui n'a rien d'étonnant pour des Américains). Mais quand on connaît le travail titanesque de l'Instituto nacional de estatistica (INE) du Cabo Verde, qui reçoit le soutien hyper actif du Luxembourg dans ce domaine, on se dit quand même que cette étude du "Bonheur", c'est un peu du falbala, entre un C+ et un B-, tant il y a d'imprécisions et de failles.
Mais cela n'excuse en rien le Gouvernement d'Ulisses. Faut croire qu'à part inscrire des trucs au patrimoine mondial de l'UNESCO, comme s'est encore proposé de le faire ce dernier, le 20 mars, au sujet de la première candidature cabo-verdienne sur le registre "Mémoire du monde" (web), ben, le Gouvernement, le bonheur de la population et du pays... il s'en fout! Pas besoin de statistiques, ni de classement. Le "bonheur", c'est bien connu, ça sert à rien ou alors, le "Bonheur" au Cabo Verde, "c'est une évidence" alors pourquoi l'étudier? À moins que le Gouvernement de sieur Correia e Silva ait peur de voir la place accordé au pays dans ce classement!
On l'avait déjà dénoncé en 2022, dans un post it intitulé "Cabo Verde: un Gouvernement MpD indifférent au Bonheur!" (web). Le constat était que l'INE fournissait quantité de statistiques sur l'économie, le développement, les avoirs des habitants, mais rien sur le Bonheur, si bien que le site theglobaleconomy.com (web) ne donnait aucun résultat dans son "Happiness index" pour le Cabo Verde, et donc les professeurs auteurs du rapport n'ont pu piquer les données en ligne.
Quoi qu'il en soit, rien n'a été fait depuis, ce qui montre bien, s'il fallait le prouver, l'inintérêt du Gouvernement d'Ulisses pour ce sujet.
Faut dire qu'Ulisses Correia e Silva est tout à sa réélection à la tête du MpD qui surviendra peut-être le 17 avril 2023. Sauf qu'un certain Orlando Dias sème le trouble, menace d'attaquer en justice le GAPE qui organise l'élection, structure à la cheville du Premier ministre (web), et pourrait bien, au final, le bouter via de la présidence du parti, alors dans ce cadre là, il faut le reconnaître... le bonheur des autres, c'est très très secondaire, pas vrai!
Christophe Chazalon
Genève, le 20.03.2023
revu le 22.03.2023
Cabo Verde: le temps serait-il venu de changer de leader? (2023)
Le 24 mars 2023, la Juventude do Partido africano da independência de Cabo Verde (JPAI) "pede ao primeiro-ministro que abandone triunfalismo e dialogue com a juventude". (web)
Le 23 mars 2023, le Président de la République, José Maria Neves, disait "que é tempo de dar um salto e o País exige líderes inteligentes". (web)
Le 22 mars 2023, le PAICV, principal parti d'opposition, disait que "as privatizações falharam todas clamorosamente" (web), ce qui est plus que vrai, malheureusement.
Le même jour, l'UCID, autre parti d'opposition, disait que "transparência deve incluir informações sobre execução orçamental e gastos públicos" (web), alors que le Premier Ministre clamait que "empreitadas públicas tornaram-se mais transparentes e eficientes com seu Gorverno". (web)
On pourrait continuer comme cela longtemps. Le fait est que la politique d'Ulisses Correia e Silva est toujours plus critiquée, en particulier pour son opacité. En effet, TOUS les contrats publics concernant les transports (TACV, Icelandair etc. pour l'aviation, CV interilhas pour les ferrys inter-îles, Boloré pour la gestion des ports etc.) sont tenus secrets et le Gouvernement, malgré les demandes répétées du Parlement, refuse de les rendre publics. Or, suivant l'adage, si l'on ne rend pas public de tels contrats, c'est tout simplement qu'il y a quelque chose à cacher.
Il faut cependant préciser une particularité des Cabo-verdiens, en particulier des politiciens, c'est qu'ils adorent annoncer ce qu'ils vont faire, car très souvent ce qui est annoncé n'arrive jamais. Tout est dans la com et le rêve qu'elle peut procurer. Il n'est pas interdit de rêver, mais il faut bien comprendre que la population attend du concret et pas des promesses, surtout en période de disette, comme c'est le cas actuellement.
La dernière en date, qui a retenu notre attention, n'a rien de nouveau et pourtant, année après année, le Gouvernement nous ressort la même litanie. Ainsi, ce 23 mars 2023, notre cher Ulisses affirmait encore une fois que "tem condições intangíveis importantes para acomodar e se impulsionar como um país líder digital" (web). Bon, nous on en a un peu marre de ce genre de blabla falbala plus proche de l'ineptie que du concret.
Cabo Verde, un hub digital en Afrique?
Oui, ce serait excellent pour le Cabo Verde de devenir un pays numérique à l'image de l'Islande ou une plateforme financière africaine, à l'image de la Suisse. Mais pour cela, faudrait-il encore que les infrastructures suivent, sans parler de la formation des jeunes et des cadres. Or, si des efforts sont bien entrepris en ce sens par le Gouvernement, les résultats sont encore loin d'être suffisants et probants.
Quelques exemples concernant le numérique et l'internet au Cabo Verde pour comprendre que les propos d'Ulisses Correia e Silva ne sont que du vent.
- Oui, l'internet est de plus en plus accessible au Cabo Verde, mais sur smartphone (32% en 2014, 70% en 2018 et 76% en 2021 - web). Pour ce qui est du réseau ethernet haut débit, on repassera. Non seulement le réseau n'est pas stable, mais en plus il faut compter avec les coupures de courant régulières. Autrement dit, lorsque le Gouvernement propose de faire du Cabo Verde un pays idéal pour les Digital Nomads, on rigole. C'est pas pour demain et de loin. Lorsque nous vivions à Ponta do Sol, nous avons eu l'occasion de discuter avec plusieurs de ces Digital Nomads qui travaillent n'importe où dans le monde pour autant qu'il y ait un accès internet haut débit et stable. Ils auraient effectivement bien apprécié se poser quelques temps au Cabo Verde, mais lorsque nous leur expliquions ce qu'il en était, comment nous, utilisateur fixe (comprendre résidant) et massif de l'internet, nous avions du mal avec nos projets car ça coupait tout le temps, eh bien la réponse était systématiquement: "Ce n'est pas pour nous". Pourquoi? Parce que ces Digital Nomads ont besoin d'un web hyper fiable, une seconde ou fraction de seconde pouvant leur faire perdre un travail. Or, sur Santo Antão, il n'est pour ainsi dire même plus possible de regarder la télé par internet car ça coupe tout le temps, surtout en période de grand vent.
- Les habitants, comme les touristes, ont donc accès à internet essentiellement sur leur smartphone, par l'intermédiaire de leur carte SIM. Or, si celles-ci sont distribuer gratuitement à l'arrivée à l'aéroport (ce qui montre bien, au passage, les abus des gouvernements européens avec les requêtes de données personnelles toujours plus nombreuses pour la pseudo sécurité du pays, juste de l'espionnage étatique), elles sont en général "épuisées" chez les commerçants. Donc difficile d'y avoir accès et quand on y a accès, c'est la galère pour obtenir ce qu'on veut, sans parler du prix qui est, lui aussi, dissuasif ("The price of 1 GB of internet is 10 €"). Il est amusant de lire à ce sujet l'avis du site web salexperiences.com (web) pour se faire une idée de l'accès à l'internet au Cabo Verde, sachant que Sal est une île privilégiée en la matière car la plus touristique de l'archipel, donc des efforts sont faits, au contraire de Brava, São Nicolau, Maio ou encore Santo Antão.
- Si le Gouvernement fait d'immense efforts pour moderniser et digitaliser l'administration publique, ce qui est une excellent chose, car cela rend la vie plus facile aux usagers (moins de documents jetés à la poubelle par les fonctionnaires administratifs et déclarés "manquants" lors des demandes administratives), il faut au moins lui rendre cet hommage, il reste encore beaucoup à faire. Et pour cause. Quelques exemples pèle-mêle. Lors de notre séjour, en janvier 2018, sauf erreur nous avons reçu un courriel impérieux de la directrice du service des Finances du concelho de Ribeira Grande qui nous enjoignait de payer au plus vite sous peine de poursuite et d'amende notre impôt pour le dernier trimestre 2017. Le courriel datait du 15 janvier 2018 ou quelque chose du genre. Or, non seulement nous avions jusqu'au 31 janvier 2018 pour ce faire d'après la loi, mais en plus, l'impôt en question avait été payé le 7 janvier. Autrement dit, soit la directrice était une incompétente qui ne faisait pas son travail, soit elle n'avait pas les moyens techniques de vérifier que nous avions payé notre dû, en plus de faire du zèle. Autre exemple. En tant que spécialiste du patrimoine et de la Culture, nous nous sommes vivement intéressé au patrimoine cabo-verdien et en particulier à celui du concelho de Ribeira Grande ou de la ville de Ponta do Sol. Nous écrivons souvent à ce sujet sur ce site. De fil en aiguille, nous sommes entrés en contact avec la direction de l'Instituto do património cultural (IPC). Celui-ci est en train d'essayer de rédiger l'inventaire des biens immeubles à classer, afin de sauvegarder le patrimoine. Nous avons donc tout naturellement rencontré l'équipe de l'IPC venue sur Santo Antão pour entreprendre le dit inventaire. Des gens charmants et motivés, qui aiment le patrimoine, nul doute là-dessus. À la suite de leur passage à Ponta do Sol, comme promis, nous leur avons transmis les documents numérisés que nous avions sur le patrimoine immeuble local afin qu'ils puissent s'en servir pour leur inventaire. Rien ne vaut une information qui circule (et tant pis pour les droits d'auteur). Mais quelle fut pas notre surprise lorsque nous avons reçu en réponse qu'ils ne pouvaient ouvrir notre courriel car... les moyens techniques de l'IPC étaient insuffisants (bande passante insuffisante, matériel informatique obsolète, etc.) On pourrait encore prendre les sites des administrations publiques. Essayez d'aller sur le site de la bibliothèque nationale (https://www.bn.cv/) ou des archives nationales (http://www.ahn.cv/). Vous obtiendrez un "Portal em construção" si vous avez de la chance. Bon, cela fait depuis 2017 ou 2018 qu'ils sont en construction. Cabo Verde... "no stress". Même si la nouvelle directrice de la BN a promis un nouveau site dès sa nomination en juillet 2021 (web). On est juste en avril 2023 et que dalle. Franchement, un site web, en 3 mois, allez, 6 mois, c'est monté, poutzé, réglé, non? D'autant plus si on pille notre site comme l'a fait l'Academia caboverdiana de letras (web), avant que son site ne disparaisse. Et quid donc des catalogues, des documents et autres numérisations si utiles aux chercheurs du monde entier. Le Web pour l'administration culturelle cabo-verdienne n'existe tout simplement pas, excepté sur Facebook (web), ce qui en dit long sur la politique du Ministère de la Culture. Il faut dire que le dit Ministre de la Culture (qui est aussi celui de la Mer) préfère, et de loin, promouvoir les galas, les grand messes jet set ou les projets UNESCO, plutôt que la Culture locale historique à laquelle il ne comprend que pouic. Donc, on le voit bien, le TOUT WEB promu par le Gouvernement n'est que du pipeau pour faire joli, mais dans les faits, on en est très loin. On pourrait encore prendre le site de l'agence de presse publique, Inforpress. Celui-ci est constamment inaccessible, soit pour des erreurs 404 ou plus souvent pour des impossibilités toute bête de connexion au serveur. On le sait bien, car cela nous fait à chaque fois rager de devoir attendre 3 ou 4 h que le problème soit réglé. En fait, malgré les efforts de NOSI, il n'y a pas encore de structure informatique suffisamment puissante et sûre pour gérer les hébergements de sites Web, ni de serveurs fiables au Cabo Verde. Tant que cela n'est pas réglé, Ulisses peut oublier son rêve de pays numérique, référence continentale. Et c'est peu dire!
- Les Cabo-verdiens ont en fait accès à l'internet via leur smartphone, ce qui permet l'utilisation de Facebook, Twiter et autres réseaux asociaux, ainsi qu'à quelques sites administratifs, genre INPS, banques, etc. En 2018, seulement 39% d'entre eux avait un ordinateur pour aller sur internet (web). Ce qui est extrêmement significatif. Pour les étudiants, pour les entreprises, la recherche et l'éducation doivent obligatoirement passer par un ordinateur (tour ou portable). Le taux de 39% montre bien qu'on n'est très très loin d'un pays digital ou pro-web au Cabo Verde et que donc, les propos du Premier Ministre et de ses acolytes ne sont que du vent pour attirer investissements et donner une image positive du pays et de la situation, alors qu'il reste énormément à faire en la matière.
- Concernant les achats, maintenant. En 2016, lorsque nous sommes venus nous établir, il n'y avait qu'Amazon.com qui acceptait d'envoyer des colis au Cabo Verde et encore. Une vrai galère pour nous collectionneur. Non seulement la quasi totalité des sites webs mondiaux ne considéraient pas le "shipping" pour l'archipel, mais pire, nombre d'entre eux n'acceptaient pas la carte Visa émise par le Cabo Verde. Depuis, les choses se sont améliorées. Les cartes Visa ou Eurocard sont de plus en plus acceptées, mais on peut aussi négocier avec les sites portugais par exemple, par courriel, des envois au Cabo Verde. Cependant, il est toujours impossible de se faire livrer des fleurs, par exemple, ou pire, un envoi Fedex de moins de 2kg vous coûtera la bagatelle de... 500 euros minimum pour un envoi à São Vicente depuis la France... On ne sait pas pour vous, mais nous... on n'a pas encore gagné à l'Euromillion, alors....
Des ministres inutiles
On l'a déjà écrit: le Gouvernement d'Ulisses Correia e Silva est surdimentionné et de nombreuses critiques ont été faites en ce sens. Il comprend pas moins de 16 ministres (web):
- Vice-Primeiro-Ministro, Ministro das Finanças e do Fomento Empresarial e Ministro da Economia Digital: Olavo Avelino Garcia Correia (6) - (6)
- Ministro do Estado, da Família, Inclusão e Desenvolvimento Social: Fernando Elísio Freire (4) - (2)
- Ministra de Estado, da Defesa Nacional, Ministra da Coesão Territorial e Ministra da Presidência do Conselho de Ministros e dos Assuntos Parlamentares: Janine Tatiana Santos Lélis (1) - (1)
- Ministro dos Negócios Estrangeiros, Cooperação e Integração Regional: Alberto de Figueiredo Soares (0) - (0)
- Ministro das Comunidades: Jorge Santos (1) - (1)
- Ministro da Administração Interna: Paulo Augusto Costa Rocha (4) - (2)
- Ministra da Justiça: Joana Gomes Rosa Amado (0) - (0)
- Ministra da Modernização do Estado e da Administração Pública: Edna Manuela Miranda de Oliveira (3) - (0)
- Ministro da Educação: Amadeu Cruz (0) - (0)
- Ministra da Saúde: Filomena Gonçalves (4) - (0)
- Ministro da Cultura e das Indústrias Criativas e Ministro do Mar: Abraão Anibal Barbosa Vicente (14) - (0)
- Ministro do Turismo e Transportes: Carlos Jorge Duarte Santos (0) - (0)
- Ministro da Agricultura e Ambiente: Gilberto Correia Carvalho Silva (4) - (0)
- Ministro da Indústria, Comércio e Energia: Alexandre Dias Monteiro (0) - (0)
- Ministra das Infraestruturas, Ordenamento do Território e Habitação: Eunice Andrade da Silva Spencer Lopes (0) - (0)
- Ministro Adjunto do Primeiro Ministro para a Juventude e Desporto: Carlos do Canto Monteiro (2) - (1)
et 9 secrétaires d'État:
- Secretário de Estado Adjunto do Primeiro-Ministro: Lourenço Andrade Lopes
- Secretário de Estado da Economia Digital: Pedro Nuno Alves Fernandes Lopes
- Secretário de Estado das Finanças: Alcindo Hemitério da Cruz Mota
- Secretária de Estado do Fomento Empresarial: Adalgisa Barbosa Vaz
- Secretária de Estado da Inclusão Social: Lídia Cristina da Cruz Brito Lima de Melo
- Secretária de Estado dos Negócios Estrangeiros e Cooperação: Miryan Djamila Sena Vieira
- Secretária de Estado do Ensino Superior: Euridice Furtado Monteiro
- Secretário de Estado Adjunto da Ministra da Saúde: Evandro Bernaldino das Neves Monteiro
- Secretário de Estado da Economia Agrária: Miguel Ângelo Barreto da Moura
A quoi sert un(e) ministre? À appliquer la politique du Gouvernement dans un secteur donné et à faire la promotion de son action. Autrement dit, un(e) ministre est avant tout un acteur public qui doit intervenir dans les médias afin de rendre public les avancées et les projets en cours. Un(e) politicien(ne) qui ne fait pas de la communication intensive, d'autant plus un(e) ministre en activité, est INUTILE. Il vaut mieux à la place mettre en poste un bon gestionnaire, simple haut-fonctionnaire public qui coûte moins cher et reste plus longtemps en poste. Or que constate-t-on au Cabo Verde avec le Gouvernement MpD d'Ulisses. Il est gigantesque. Reprenons les chiffres avancés en juin 2022 dans notre post it intitulé "Ulisses Correia e Silva, le Premier ministre qui n'avait jamais tort" (web):
- France: 68 millions d'habitants, 28 ministres ou secrétaires d'État
- Suisse: 8,6 millions d'habitants, 12 conseillers fédéraux ou secrétaires d'État
- Cabo Verde: 0,58 million d'habitants, 24 ministres ou secrétaires d'État
Cherchez l'erreur! Pourtant, Ulisses Correia e Silva affirme haut et fort, comme l'a relaté le journal indépendant A nação en mai 2022, "que a ideia de que o elenco governamental é gordo e representa um fardo para o país é mais estigmatizada do que aquilo que é na realidade. O país, segundo disse, tem o governo que precisa para a actual conjuntura e situação." (web)
Dans les faits qu'en est-il? Les ministres sont-ils efficaces? Un petit survol des articles d'Expresso das ilhas et d'A naçao en ligne (le site Inforpress étant une nouvelle fois inaccessible ce matin), sur le premier trimestre 2023, donne les résultats inscrits respectivement en vert et en bleu, à côté des noms mentionnés ci-dessus.
Constat? Tout simplement le Premier ministre Ulisses Correia e Silva monopolise le devant de la scène, s'imposant comme le seul promoteur de la politique de son Gouvernement, à l'exception du ministre jet-seteur de la Culture et de la Mer (deux dicastères qui ont tellement en commun, il faut dire), j'ai nommé Abraão Vicente. Quand bien même on n'apprécie guère son travail en tant que ministre de la Culture, domaine pour lequel il n'est pas fait, au contraire de celui de la Mer où il se débrouille plutôt bien, il faut reconnaître à Vincente un véritable talent de communicant. Tous les ministres devraient agir comme lui. Or, cela ne semble pas être possible soit parce qu'ils ne sont pas à la hauteur du poste, qu'ils n'ont pas de réseau suffisant pour bien communiquer, qu'ils méprisent les journalistes, etc. ou soit... parce que le PM prend toute la place et préfère parler lui plutôt que de laisser ses collègues faire leur travail.
Quoi qu'il en soit, on voit bien qu'il y a une réelle faiblesse dans ce Gouvernement en poste depuis 2016.
Une jeunesse à l'abandon
On a débuté ce post it en mentionnant la complainte de la jeunesse du PAICV qui demandait à Ulisses Correia e Silva "que abandone triunfalismo e dialogue com a juventude (qu'il abandonne le triomphalisme et dialogue avec les jeunes)". C'est exactement la situation au Cabo Verde de la jeunesse laissée à l'abandon, livrée à elle-même. Le PM comme le Président ne font que dire aux jeunes: il faut vous débrouiller par vous-mêmes. Mais rien, absolument rien n'est fait pour eux. Les jeunes, de l'enfance à l'âge de jeunes adultes, en passant par l'adolescence, ont deux activités principales dans leur vie: apprendre et se distraire. Apprendre pour se constituer et préparer la vie adulte où immanquablement il faudra travailler (si on trouve du travail, ce qui n'est pas gagné au Cabo Verde) et se distraire pour soulager le dur apprentissage, mais aussi pour sociabiliser, découvrir de nouveaux horizons, expérimenter par ses propres choix. Or, que constate-t-on au Cabo Verde. Les lieux de sports sont inexistants ou lorsqu'ils existent, sont dans un état de délabrement considérables. Souvent, ils ne possèdent même pas de toilettes. Les grands stades ne sont ouvert QUE pour la compétition. Les salles multi-sports commencent à peine à être construite sous la pression des sportifs qui demandent avec vigueur des installations digne de ce nom.
En matière de jeux, il en va de même. Les jardins de jeux sont rares et peu équipés. À Ponta do Sol, la câmara fait enlever les balançoires pour éviter les déprédations et le responsable de l'espace oublie les trois quarts du temps de les remettre durant la journée. Les enfants, tout autant que les ados, n'ont pas de lieu à eux, ludiques et de rencontres, d'échanges. L'activité principale, bien souvent, est une longue promenade en groupe le soir venu, à la tombée de la nuit, durant des heures, histoire d'éviter de rester dans la maison, trop petite, trop chaude, etc.
En matière de culture, aucun cinéma, pas de théâtre, pas de salle de concert. Les revues et autres magazines sont inexistants. Aucune importation des médias portugais n'existent ni n'a été mise en place dans l'archipel probablement car jugé trop coûteux.
Il existe bien des écoles artistiques, mais celles-ci sont mal équipée. Les instruments de musique sont rares et souvent les prix sont trop élevés pour la majorité des enfants, les parents devant déjà faire face aux prix élevés de la nourriture ou du logement, sans parler des transports quand il y en a.
Que se passe-t-il alors? Avec la pandémie de Covid 19 et l'inflation galopante qui a suivi, on constate une recrudescence de la violence chez les jeunes et une forte augmentation des naissances chez les adolescentes. Ainsi, en 2020, Expresso das ilhas titrait "Delinquência juvenil: juventude inquieta" (web). Et en 2021, A nação rappelait ceci: "Há três anos os estudos revelaram que foram identificadas 9.593 grávidas, entre os 10 e os 19 anos. A maior parte na cidade da Praia e no Mindelo, com 3.213 e 1.292, espectivamente. Mesmo depois deste período, e com todas as intervenções dos profissionais de saúde, no sentido de oferecerem o máximo de informações aos mais jovens, a realidade não se apresenta de forma muito diferente. Tome-se como exemplo o caso da Escola Técnica João Varela, no Porto Novo, Santo Antão, que registou, recentemente, um total de 24 alunas grávidas. Muitas frequentavam o 9o ano de escolaridade. Ou seja, adolescentes emtenra idade." (web)
Or ces faits, ces états, ne sont que les résultats logiques d'un abandon du pouvoir politique. Eh oui! La faute est entièrement due à la classe politique, et non celles des jeunes. Rappelons-nous. Il n'y pas si longtemps, à Mindelo, la criminalité était importante, en particulier avec les gangs de jeunes. Des initiatives ont alors été prises favorisant l'éducation culturelle, l'occupation des jeunes par le sport etc. Résultat, la criminalité a baissé. Si on les occupe, les jeunes sont preneurs. Si on les laisses seuls dans leur coin, ils finissent par rejeter l'autorité, le pouvoir et se constituent un monde propre, où malheureusement la loi du plus fort règne.
Il est bon pour le développement du pays de construire des routes, de développer des infrastructures, de moderniser l'administration. Mais il ne faut pas oublier l'essentiel, ceux qui vivent et plus encore, les jeunes qui contrairement à ce qu'on pense, demandent à ce qu'on s'occupe d'eux, qu'on prenne en considération leur revendications, leurs attentes, leurs besoins. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le Gouvernement d'Ulisses, pour le coup, ne fait absolument rien en ce sens, tout tourné vers l'international, les classements, les récompenses, la finance et l'économie. À trop rejeter le social, il est inévitable qu'un retour de manivelle survienne.
Conclusion
En conclusion, car ce post it est déjà bien long, lors des élections, il est normal que les politiciens proposent des visions, des rêves, des promesses. Mais une fois au pouvoir, le peuple, les petites-gens, attendent du concret pas du blablabla falbala. Or, non seulement Ulisses Correia e Silva méprise le peuple et les opposants, car "au final, c'est lui qui décide", "c'est lui qui sait", mais en plus il ne cesse d'intervenir devant la presse pour affirmer des faits qui n'en sont pas, des rêves qui prendront peut-être corps dans une dizaine d'années, peut-être pas, tout cela pour faire croire qu'il fait quelque chose alors que rien ne se passe, rien ne vient améliorer le quotidien des habitants et plus encore, des jeunes. "Monsieur tout pouvoir", car c'est ce qu'est le Premier Ministre actuellement (président du MpD, Assemblée nationale majoritaire MpD, etc.) n'est pas un mauvais gouverneur (grâce à lui et son gouvernement le pays se développe, se modernise bien), mais à trop concentrer le pouvoir et à trop rejeter la critique, il devient l'ombre d'un dictateur qui a toujours raison, même quand il a tort, et cela n'est pas bon pour la population, ni pour la démocratie, ni pour le pays.
Le 17 avril 2023, le MpD renouvelle sa présidence, peut-être serait-il bon que les choses changent.
Nous on dit cela, mais on ne dit rien. A chacun de faire son choix.
Le 25 mars 2023, le Portugais Filip Vaz, CEO de Tema Central, entreprise en charge du Leadership Summit Cabo-Verde accordait une interview au journal Expresso das ilhas et ses mots sont juste parfaits: "Le bon leader, aujourd'hui plus que jamais, sera celui qui parviendra à donner l'exemple et à responsabiliser les personnes qui travaillent avec lui, ses équipes, pour qu'elles puissent développer leurs compétences et pouvoir un jour prendre leur lieu. Un bon leader ne peut pas avoir peur d'être remplacé demain et doit réaliser qu'il n'y a pas d'irremplaçables. Je crois qu'il y aura souvent des dirigeants qui, une fois arrivés à leur poste, se croiront irremplaçables, mais ils ne le sont pas (O bom líder, hoje mais do que nunca, será aquele que consegue liderar pelo exemplo e responsabilizar as pessoas que trabalham consigo, as suas equipas, para eles próprios desenvolverem as suas capacidades e poderem um dia vir a assumir o seu lugar. Um bom líder não pode ter medo de amanhã vir a ser substituído e tem de perceber que não há insubstituíveis. )." (web) Or, le 18 mars, Ulisses Correia e Silva, dans le cadre de sa candidature pour sa réélection au poste de président du MpD, répondait au même journal, à la question de savoir s'il démissionnerait de son poste de PM s'il perdait l'élection: "Si, dans un scénario très théorique, cela se produisait, il n'y aurait pas de conditions politiques pour continuer. C'est clair. Un autre scénario alternatif serait un abandon, une rupture complète entre le gouvernement et la direction du parti, mais avec un autre président. [...] il est devenu très clair que nous ne pouvons pas fabriquer quelque chose de totalement dysfonctionnel comme avoir un corps à deux têtes. Ça ne marche pas (Se num cenário muito teórico isso acontecesse, não haveria condições políticas para continuar. Isso é claro. Outro cenário alternativo seria um descaso, uma ruptura total entre o governo e a liderança do partido, mas com outro presidente. [,...] não podemos fabricar algo totalmente disfuncional como ter um corpo com duas cabeças. Isso não funciona)". (web) Pour Ulisses, lui seul peut mener la politique MpD actuelle à bien. Il est indispensable, irremplaçable, le seul et l'unique. "Monsieur tout pouvoir" est bien sur le chemin de l'autoritarisme nombriliste et narcissique. Mais si c'est là ce que veulent les Cabo-Verdien(ne)s, alors... qu'y faire?
Christophe Chazalon
Genève, le 25/03/2023
Revu et augmenté le 26/03/2023